Voyage terrain : pas de place pour le tourisme

Qu’est-ce que cela représente de s’engager soi-même dans un projet de développement dans un contexte étranger et exigeant ? C’est la question que se sont posées deux donatrices fidèles de Comundo lors de leur voyage sur le terrain en Zambie, qui leur a donné un aperçu direct de la vie et de l’engagement de nos coopérant·e·s.

Elisabeth Wintzler (EW), Comundo: Vous connaissez le travail de Comundo depuis de nombreuses années, depuis l’époque de Mission Bethléem Immensee (BMI). Ce printemps, vous avez pu visiter des projets de Comundo avec leurs coopérant·e·es en Zambie. Qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de ce voyage ?

Esther Tresch Hagenbuch (ETH) : Pour ma part j’ai eu une grande admiration pour tou·te·s les professionnel·le·s qui travaillent en Zambie.

Astrid Peissard (AP) : Je retiens le grand engagement des coopérant·e·s et leur credo dans la collaboration. Loin de chercher à imposer quelque chose, il s’agit plutôt d’une collaboration coopérative où l’on cherche ensemble la voie qui permet de créer le meilleur bénéfice commun.

EW : Avez-vous remarqué à quel point ce travail, dans un effort de véritable coopération, est difficile ? Avez-vous vécu une expérience qui vous l’a fait comprendre ?

ETH : Lea Eichenberger nous a raconté qu’au début, elle avait dû faire face à bien des difficultés, par exemple avec le directeur de son école qui ne l’acceptait pas pleinement. J’ai été très impressionnée de voir ce que c’est que vivre et travailler dans un pays étranger, dans une culture différente. Bien que l’on vienne avec de bonnes intentions, il faut se battre pour être accepté·e et reconnu·e, sans abandonner lors de coups durs. Lea a aussi raconté que parfois les égouts débordaient et que les matières fécales inondaient la cour de l’école, et je me suis dit qu’il fallait aussi pouvoir supporter cela. Ce sont là des exemples qui montrent que tu dois t’attendre à tout sur le terrain.

« Le jour où nous avons accompagné les coopérant·e·s de Lusaka dans leur travail, je me suis rendue compte, à partir des exemples qu’on nous a racontés, de l’ampleur de la tâche ! » Esther Tresch Hagenbuch

AP : Lea est un bon exemple de cette volonté de vouloir comprendre les gens sur place et de faire face à de telles situations. L’impensable y est presque quotidien. Pour moi, ce n’était pas complètement nouveau, mais le fait d’avoir pu être présente et vivre certaines situations sur place, m’a permis d’être impliquée dans la réflexion. Et c’est inspirant d’avoir ainsi pu réfléchir à ce que serait un tel engagement pour soi-même.



Destiny Comunity School – Lea Eichenberger forme des enseignant·e·s

EW : Avez-vous pu acquérir de nouvelles connaissances sur la coopération au développement par l’échange de personnes ?

ETH : Oui, je ne savais pas que Comundo travaillait avec des organisations partenaires locales. J’ai toujours pensé que Comundo avait ses propres projets, qu’elle mettait sur pied et réalisait ensuite. 

AP : Pour moi, il était intéressant de voir qu’il y a une responsabilité du programme national et que tout le travail des coopérant·e·s est coordonné par Miriam (ndlr : Miriam von Borcke, directrice du programme pays). Il me semble très important qu’elle veille à ce que tou·te·s les coopérant·e·s bénéficient d’une couverture sociale, qu’ils et elles puissent régulièrement échanger entre eux et ne soient pas des « guerriers solitaires ».

« Les coopérant·e·s sont certes très sollicité·e·s sur le terrain, mais sont aussi intégré·e·s dans une véritable équipe. » Astrid Peissard



Astrid Peissard profite de l’ambiance matinale sur la rivière South Luangwa.

EW : Le travail de développement fait souvent l’objet de critiques quant à son efficacité, qui ne serait pas toujours réellement mesurable. Qu’en pensez-vous après votre expérience aux côtés des coopérant·e·s de Comundo et de la population locale ?

AP : Je suis convaincue que collaborer dans de tels projets a toujours besoin d’une forte base de confiance.

« Un engagement ne peut avoir un impact que si les populations locales acceptent qu’un·e coopérant·e vienne chercher avec elles de bonnes solutions. » Astrid Peissard

Voilà pourquoi je trouve que c’est stimulant pour les coopérant·e·s, dont le travail se fait loin des feux des projecteurs. Le meilleur exemple est notre visite chez Impact Network, où le coopérant de Comundo était absent et où les enseignant·e·s zambien·ne·s nous ont montré ce qui avait été élaboré avec lui et comment ils et elles mettaient désormais en œuvre concrètement l’enseignement de la phonétique. C’est un résultat qui montre très clairement ce que la collaboration a apporté. Je pense que les coopérant·e·s devraient être encore plus convaincu·e·s du bien qu’ils et elles font, et en parler plus haut et fort.


Esther Tresch Hagenbuch en train de pomper de l’eau à Nyanje, un petit village du nord-est de la Zambie.

ETH : Astrid, tu viens de dire quelque chose d’essentiel à mes yeux avec cette idée des feux des projecteurs: je trouve que c’est particulièrement important, parce que la DDC et d’autres bailleurs de fonds mesurent les résultats selon un cadre très strict.

« J’ai le sentiment que beaucoup d’éléments ne sont simplement pas mesurables avec nos méthodes traditionnelles. Par exemple, la dimension interculturelle : elle n’est absolument pas mesurable, et pourtant elle est essentielle. » Esther Tresch Hagenbuch

Si tout était exprimé en chiffres, un engagement apparaîtrait peut-être comme une goutte d’eau dans l’océan. Mais même si l’impact mesurable était limité, je continuerais à faire des dons rien que pour cela…


Réception du groupe par la cheffe du village de Nyanje

AP : J’ai l’impression qu’il s’agit de diverses pièces de puzzle qu’il faut aussi décrire de manière positive. Je ne dirais pas forcément que si nous ne soutenons pas cet aspect personne ne le fera : il est important d’évaluer les contributions des un·e·s et des autres de manière positive, comme différentes pierres apportées à un même édifice bien plus grand…

EW : Qu’est-ce qui est le plus important dans la démarche de Comundo, qui envoie du personnel et des compétences plutôt que de l’argent ?

« Lorsque l’on envoie des personnes, il est beaucoup plus facile de prendre et de donner. » Esther Tresch Hagenbuch

AP : Oui, car une véritable collaboration ne peut avoir lieu que si des personnes qui donnent et qui reçoivent sont impliquées. C’est ainsi que la confiance peut naître et que quelque chose de nouveau peut se produire, et que les deux parties peuvent en profiter. 

EW : Au cours du voyage, y a-t-il eu une expérience qui vous a particulièrement touchée ou réjouie ?

ETH : La visite au Circus Zambia. Si une erreur se produisait dans les numéros montrés, cela n’a jamais entamé la joie des jeunes, ils s’effaçaient joyeusement pour laisser la place aux artistes suivants.


Présentation par le Circus Sambia, Lusaka

AP : Le spectacle de danse au Centre Biko du Bauleni Compound. La joie de vivre de ces gens, malgré la tristesse de leurs conditions, m’a beaucoup impressionnée.

EW : Et une autre qui vous a mise mal à l’aise ?

AP : J’étais en route avec Hannah (ndlr : Hannah Labusch, spécialiste Comundo) dans son compound lorsqu’un camion transportant de jeunes Zambien·ne·s est arrivé qui nous ont fait un doigt d’honneur. Il faut se rendre compte que tout n’est pas rose. En tant que Blancs, nous sommes dans une situation privilégiée et lorsque nous arrivons dans certaines régions, les autochtones peuvent aussi percevoir notre présence comme une sorte de violation, une source de conflits. Les terrains d’engagement sont tout sauf des endroits où l’on fait du tourisme.

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