Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 101 – Genève, le 30 mars 2015

Les toujours récurrentes déficiences du service de santé chez les Yanomami / Le projet de loi sur les ressources génétiques et connaissances traditionnelles est contesté / En avril, les peuples indigènes sont invités à manifester à Brasilia et dans tout le pays / Dirty Gold War / \ »Partage de savoirs\ » entre autochtones de plusieurs pays d\’Amérique du sud.

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Les toujours récurrentes déficiences du service de santé chez les Yanomami
Quelques jours après la réunion du Conseil du District de Santé Indigène – CONDISI qui s\’est tenue les 16, 17 et 18 mars à Boa Vista (la capitale de l\’État de Roraima), l\’Hutukara Associação Yanomami – HAY a publié une note dans laquelle elle affirme que le thème de la santé est prioritaire pour elle. Elle souhaite une meilleure autonomie administrative et financière du District Sanitaire Spécial Indigène Yanomami – DSEI – Y; une meilleure qualification des ressources humaines; un meilleur équipement des postes de santé localisés dans la Terre Indigène Yanomami TI-Y pour offrir des conditions adéquates pour assurer les soins de santé primaire.
Avec les autres organisations indigènes Yanomami, dont la Kurikama*, l\’HAY veut rencontrer en urgence le ministre de la santé, le Dr Arthur Chioro, et Antônio Alves, le responsable du Secrétariat Spécial de Santé Indigène – SESAI. Elle veut discuter avec eux du taux élevé de mortalité infantile, de l\’augmentation des cas de malaria, des failles du service de prévention, etc. Elle veut également que la personne chargée de la coordination du DSEI ait toutes les compétences requises, ne soit pas soumise à des influences politiques et qu\’elle jouisse de la confiance des organisations indigènes.
De son côté la presse s\’est faite l\’écho de plaintes émanant de Yanomami dénonçant les carences du service de santé dans leurs communautés. Le 20 mars, la « Folha de Boa Vista » signale la plainte d\’un indien de la région de Surucucu. Le 23 mars, El Païs (Brasil), dont le siège est à São Paulo, publie un article sur la situation sanitaire dans la TI-Y. Le journal fait état d\’un l\’appel par WhatsApp en provenance de la TI–Y dénonçant le Secrétariat Spécial de Santé Indigène de Roraima et demandant du secours.
À l\’évidence, le service de santé dans l\’aire Yanomami est déficient**.
* L\’association des Yanomami de l\’État d\’Amazonas (voir « AYA Info » No 88 du 29 novembre 2013)
** Voir « AYA Info » No 90 du 14 février 2014 et No 100 du 26 février 2015
Le projet de loi sur les ressources génétiques et connaissances traditionnelles est contesté.
Le 10 février, la Chambre des députés a adopté un projet de loi (No 7.735/2014) du gouvernement relatif à l\’application de la Convention sur la diversité biologique promulguée par Décret (No 2.519 du 16 mars 1998). Cette convention traite de l\’accès au patrimoine génétique; de la protection et l\’accès aux connaissances traditionnelles associées; de la répartition des bénéfices; de la conservation et l\’usage soutenable de la biodiversité; et d\’autres mesures. Le Sénat est maintenant saisi du même sujet au travers du Projet de loi PLC No 2/2015. Plusieurs Commissions sont au travail sur ce texte important. Le gouvernement a demandé au parlement d\’examiner son projet en urgence. Celui-ci devrait avoir terminé son travail le 10 avril.
Le 27 février, près de 80 organisations indigènes, indigénistes, communautés traditionnelles et d\’agriculture familiale – de fait représentant les détenteurs de ce patrimoine et de ce savoir – ont publié une lettre ouverte pour exprimer leur mécontentement à l\’égard du contenu de ce projet. Ce texte a été remis au Ministère de l\’environnement à l\’occasion d\’une rencontre qui a eu lieu fin février.
Elles reprochent au pouvoir exécutif d\’être lié à une coalition d\’intérêts économiques qui leur sont contraires; de les avoir délibérément exclues du processus d\’élaboration de la loi et de ne pas les avoir consultées préalablement, cela en violation de Traités internationaux approuvés par le Brésil (Convention 169 de l\’OIT entre autres). Les signataires soulignent le manque de contrôle sur les entreprises nationales et internationales qui veulent accéder à ces ressources et les exploiter. La répartition des bénéfices est également contestée. Globalement, elles reprochent au projet de loi de vendre et détruire la biodiversité nationale et de porter gravement atteinte à leur avenir.
Le 5 mars, le Conseil National de Sécurité Alimentaire – CONSEA a demandé à la Présidente de la république de retirer le projet de loi et de reprendre un processus de négociation permettant à toutes les parties de faire valoir leurs droits.
Quatre commissions permanentes du Sénat, celles de l\’Agriculture et de la Réforme agraire – CNA, de la Science et de la technologie – CCT, des Affaires économiques – CAE et du Milieu ambiant – CMA ont déjà examiné le projet de loi en adoptant ou non des amendements.
À l\’occasion d\’une audience publique, Jorge Viana, rapporteur du projet devant la CMA a affirmé son intention d\’entendre les peuples indigènes et les communautés traditionnelles. Effectivement, plusieurs amendements leur étant favorables ont été adoptés lors de l\’examen du projet par la Commission. Qu\’en restera-t-il après la délibération en plénière ?
En avril, les peuples indigènes sont invités à manifester à Brasilia et dans tout le pays.
Le 27 mars, l\’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a adressé une convocation à tous les peuples, organisations, leaders indigènes, à leurs alliés et partenaires les invitant à participer au « Campement Terre Libre » prévu à Brasilia du 13 au 16 avril prochain. À la même période, l\’APIB demande aux organisations indigènes régionales d\’organiser des manifestations dans les différentes régions du pays. En cause les attaques contre les droits indigènes : « Après 26 ans sous le règne de la Constitution Fédérale qui consacre les droits fondamentaux des peuples indigènes à la différence et aux terres qu\’ils occupent traditionnellement, l\’État brésilien, au lieu de garantir ces droits, aussi protégés par le droit international, semble au contraire déterminé à les supprimer. Cela au détriment de l\’intégrité physique et culturelle des premiers habitants de cette terre appelée Brésil.« 
« L\’attaque systématique des droits des peuples indigènes est inadmissible dans une société démocratique et plurielle. Ces droits sont utilisés aujourd\’hui comme monnaie d\’échange et objets du jeu politique. Mais les peuples indigènes ont déjà donné des preuves suffisantes qu\’ils ne céderont pas à cette nouvelle offensive chargée de haine, de discrimination, de racisme et d\’incitation à la violence, promue par les propriétaires ou représentants du pouvoir politique et économique.« 
Et l\’APIB de rappeler que des Terres indigènes pourraient être homologuées immédiatement par la Présidente de la république. Elle dresse la longue liste des projets de lois ou actes juridiques qui portent atteinte aux droits des peuples indigènes.
En octobre 2013, d\’importantes manifestations* ont eu lieu à Brasilia et dans diverses régions du Brésil pour marquer le 25e anniversaire de l\’adoption de la Constitution. Il est vraisemblable que l\’appel de l\’APIB sera entendu.
* Voir AYA Info No 87 du 30 octobre 2013
Dirty Gold War
« La guerre de l\’or sale« , c\’est le titre que Daniel Schweizer a donné au film qu\’il a présenté, en première mondiale, le 7 mars dernier à Genève, à l\’occasion du Festival du film et forum International sur les Droits Humains – FIFDH . Dans le dossier de presse du film, l\’auteur explique ainsi les raisons pour lesquelles il a réalisé ce film : « Convoité et recherché, évoquant le glamour, la pureté et l’opulence, il [l\’or] dissimule toutefois une part sombre où des dimensions humaines et écologiques sont dangereusement menacées. C’est ce scandale de l’or sale que je veux faire voir au travers de ce documentaire, car la majorité des gens semblent aujourd’hui l’ignorer. J’ai envie de rompre le silence et de faire mon travail de cinéaste, c’est-à-dire regarder là où l’on ne regarde pas, être présent là où on ne peut plus l’être et mettre sur le devant de la scène cette réalité peu médiatisées. En outre, le fait que je vive en Suisse, une des plaques tournantes du marché de l’or, a contribué d’autant plus à nourrir ma détermination à réaliser ce film. »
Il signale des initiatives porteuses d\’espoir : « En Amérique du Sud, au Brésil et au Pérou, les projets miniers menacent les populations locales. Le pire est en train de se passer à Madre De Dios ou à Yanacocha, tandis que dans d’autres régions des productions labellisées « green gold » ou « commerce équitable » tentent de se mettre en place. C’est au fond, là, une petite révolution qui est en marche, souvent modeste, mais qui révèle que d’autres pistes, viables, peuvent être empruntées. Un or « vert » ou « propre » serait donc généralisable pour demain ?« 
Lors de la présentation du film destinée au public de collégiens et d\’apprentis, ces derniers ont particulièrement questionné Daniel Schweizer sur les possibilités d\’action en Suisse : Que pouvons nous faire ? Le cinéaste a rappelé comment, pour beaucoup d\’autres produits, les consommateurs demandent aux distributeurs de les informer sur la provenance et le mode de production des biens mis en vente. Mais c\’est, selon lui, une question trop rarement posée à ceux qui sont actifs dans le commerce de l\’or. Revendiquer et appliquer la traçabilité permettraient aux consommateurs de pouvoir choisir un produit propre.
Notre pays doit s\’interroger sur l\’origine de ses importations d\’or et prendre des mesures pour éviter que le métal précieux, stocké sous forme de lingots, ou commercialisé sous forme de montres et de bijoux, ne soit d\’origine douteuse. Ce serait-là notre contribution et notre soutien aux organisations indigènes, indigénistes et écologistes qui refusent de baisser les bras devant les réseaux souvent puissants et illégaux.
Ce n\’est pas la première fois que Daniel Schweizer aborde le problème de l\’or sale. Son film* « Dirty Paradise » dont le cadre se situe en Guyane française abordait le même sujet. Ce documentaire avait également été présenté au FIFDH en 2010. Il avait reçu le Grand Prix de l\’État de Genève.
* Voir « AYA Info » No 48 du 28 mars 2010
Pour voir la bande annonce de « Dirty Gold War », cliquer > ICI
« Partage de savoirs » entre autochtones de plusieurs pays d\’Amérique du sud
À Iquitos (Pérou), entre le 20 janvier et le 16 février, le Mouvement pour la Coopération Internationale – MCI (Genève)* a organisé un séminaire de « Partage des savoirs » destiné à des représentants de différents peuples indigènes avec lesquels il est en contact depuis plusieurs années. Certains participants s\’étaient déjà rencontrés, à Genève en octobre 2012, à l\’occasion du séminaire organisé dans le cadre du 50e anniversaire du MCI. Le lieu de la rencontre ne doit rien au hasard : Iquitos abrite le siège de la Fédération des Communautés Natives du Haut Tigre – FECONAT, qui est un des partenaires du MCI. Les participants venaient d\’Argentine, du Chili, de Colombie et, bien sûr, du Pérou. En Argentine, le Consejo Asesor Indígena – CAI est engagé dans un processus de récupération de terres des Mapuche. La cartographie des terres revendiquées ou déjà récupérées est utile. Il existe également des projets de prospection et d\’exploitation minière qu\’il est utile de localiser. Toujours sur les terres des Mapuche, mais au Chili, il y a des projets d\’ouvrages hydroélectriques, aussi des projets d\’exploitations minières et des entreprises pratiquant la monoculture forestière. En Colombie, les organisations indigènes sont confrontées à la violence armée et à l\’exploitation minière.
Outre l\’échange sur les pratiques des uns et des autres face aux réalités propres à chaque pays, une partie de la rencontre a été consacrée à un apprentissage plus technique. Les organisations péruviennes ont partagé leur savoir en matière de surveillance territoriale. Depuis plusieurs années, des indigènes ont été formés pour contrôler les installations pétrolières, notamment dans la région du rio Tigre. Ils ont révélé, aux autorités et à l\’opinion publique, l\’existence de dizaines de sites pollués suite à des fuites ou des ruptures d\’oléoducs. Equipés de GPS et d\’appareils de photos, des « observateurs » alimentent des bases de données qui permettent de préparer des dénonciations et exiger le nettoyage des terres et des rivières polluées.
Cette documentation est également utilisée pour informer les communautés sur les risques encourus. Elles facilitent aussi l\’échange entre les organisations indigènes des différentes parties de cette région d\’Amazonie, celles des rios Pastaza, Corrientes et Marañón. Plus récemment, l\’organisation indigène des Wampis a utilisé ces techniques pour dénoncer l\’orpaillage illégal sur le rio Santiago. Lors de la rencontre, un des leaders de cette communauté a présenté une brève vidéo (mise en ligne sur YouTube) enregistrée lors d\’une manifestation contre la présence des orpailleurs. Le recours à ces techniques a grandement facilité la mise en place de politiques publiques pour l\’ensemble de l\’Amazonie péruvienne.
Au début de ce mois de mars le gouvernement péruvien a signé un accord – dit accord de Lima – avec les organisations indigènes des bassins des rios Pastaza, Tigre, Corrientes et Marañón de la région de Loreto. Les autorités ont créé un fonds de 50 millions de « Soles Novos » (environ 16,3 millions de US$ ou 15,6 millions de CHF) pour réduire les problèmes environnementaux. Cet accord, qualifié d\’historique, est le résultat des pressions exercées par les organisations indigènes depuis des années pour la préservation de leur cadre de vie. Pour rappel, en 2006, les indigènes avaient occupé les installations pétrolières de la compagnie Pluspetrol. En 2012, il y a eu de nouvelles mobilisations. En 2013, le gouvernement a dû déclarer l\’état d\’urgence environnemental dans la région de Loreto. Des commissions officielles intersectorielles alors mises en place ont abouti à l\’accord du 10 mars dernier.
Le patient travail de documentation et de dénonciation entrepris par les organisations indigènes a fini par « payer ». Reste encore à veiller à l\’application du récent accord.
Il est souhaitable que toutes les organisations indigènes présentes au séminaire d\’Iquitos obtiennent, elles aussi, des résultats conformes à leurs vœux.
Pour ce qui s\’est passé au Pérou ces dernières années, voir « AYA Info » No 67 du 23 décembre 2011, No 72 du 30 mai 2012, No 82 du 29 avril 2013
Bernard Comoli avec l\’aide d\’Aurélien Stoll (pour la brève « Partage des savoirs »)
Important : L\’activation des liens hypertextes (en bleu) renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2

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