Renforcer l’autonomie de nos partenaires : Une coopération professionnelle, humaine et solidaire

Brésil-Suisse, Suisse-Brésil

« Renforcer l’autonomie de nos partenaires »

Une coopération professionnelle, humaine et solidaire

Quelques jours avant de se rendre en Suisse pour participer à diverses activités d’information sur son pays, Djalma Costa, défenseur des droits humains, formateur et militant du mouvement populaire brésilien, partage ses convictions et ses attentes. « A un moment aussi complexe de l’histoire de mon pays, l’échange avec la société civile suisse peut être stimulant ». Les partenaires locaux ont besoin non seulement d’une coopération active, mais aussi de compréhension et de solidarité, affirme Djalma Costa, conseiller en politiques publiques relatives aux enfants et aux adolescents et accompagnant depuis sa fondation du Centre de Défense des Adolescents (CEDECA) d’Interlagos, à Sao Paulo. Il coordonne également le programme E-CHANGER (E-CH) au Brésil, depuis 20 ans. Ce programme comprend actuellement six coopérant(e)s nationaux et suisses.

 

Q : E-CHANGER se consacre à la coopération internationale à travers l’appui de coopérants nationaux ou suisses à des organisations partenaires sociales. Quelle est la pertinence de cette présence au Brésil, depuis près de trois décennies?

Djalma Costa (DC) : Le travail commun, instauré depuis si longtemps avec les mouvements sociaux et les ONGs, est basé sur l’échange d’expériences et de connaissances entre deux sociétés, deux cultures. Il n’inclut pas le soutien financier de la Suisse au Brésil. Cet échange, à visage humain, en est l’aspect le plus significatif. Il implique un exercice permanent d’interculturalité et de solidarité planétaire. Il cherche à se fortifier mutuellement. D’une part pour nos partenaires brésiliens en renforçant leurs capacités professionnelles ; d’autre part, pour la société civile du Nord, à travers les expériences des coopérateurs et coopératrices d’E-CHANGER relayées en Suisse.

Q : Dans quelle mesure cette relation intense entre la Suisse et le Brésil – entre le Brésil et la Suisse – a-t-elle influencé votre propre perception du monde ?

DC : J’ai commencé à travailler avec E-CHANGER, il y a vingt ans, à l’âge de 37 ans. C’était ma première expérience dans le domaine de la coopération internationale. Rapidement, cela a cessé d’être un emploi professionnel de plus ; c’est devenu un engagement intégral, presque existentiel. Je dis cela parce que cette relation avec un autre monde, la Suisse, a radicalement changé ma vision précédente. Cela m’a forcé à me « mondialiser », à étudier davantage, à accroître mes connaissances et ma sensibilité pour comprendre les divers contextes historiques et sociaux, tant dans la réalité brésilienne que dans celle du Nord. J’ai dû comprendre, assumer et m’approprier, au quotidien, ce qu’implique le dialogue interculturel et global. Ceci afin de devenir un pont efficace entre les visions, objectifs, programmes et utopies de la Suisse et les réalités, priorités, luttes, espoirs et besoins des mouvements sociaux au Brésil. Aujourd’hui, je me sens privilégié. Cette expérience va au-delà de tout curriculum vitae pour devenir un patrimoine de vie.

 

Q : Depuis plus de deux ans et demi, le Brésil connaît une situation sociale et politique très complexe. Dans quelle mesure la coopération suisse apporte-t-elle à un contexte aussi difficile?

DC : Le Brésil n’a jamais été un pays tranquille. Récemment, la violence envers les militants sociaux et les défenseurs des droits humains a augmenté. L’Etat – avec ses différents pouvoirs – est violent. Il réprime les mouvements sociaux et cherche à criminaliser leurs luttes. Dans ce contexte, la coopération internationale en général – et celle d’E-CHANGER en particulier – jouent un rôle essentiel de soutien aux organisations partenaires, afin qu’elles puissent se développer de manière indépendante et mieux se positionner vis-à-vis de l’Etat. Par exemple, E-CH a soutenu l’un de ses partenaires – le Mouvement des travailleurs sans terre (MST) – en dénonçant les meurtres et agressions subis par ses membres. E-CH a aussi soutenu le MST dans le passé pour qu’il puisse aller de l’avant dans la certification de son riz biologique afin d’accroître ses ventes. Nous collaborons aussi avec l’organisation SECOYA qui travaille avec les communautés Yanomami de l’Amazonie, pour renforcer leurs plans d’autonomie en matière d’éducation et de santé. Nous appuyons également la Marche mondiale des femmes dans le secteur de l’information et de la formation, en renforçant la mobilisation des femmes brésiliennes pour leurs droits légitimes.

Q : E-CHANGER organise sa campagne annuelle d’information en septembre, sur le thème Brésil. Qu’attendez-vous de votre voyage en Suisse pour participer à ces activités?

DC : Sans aucun doute, une initiative de cette nature est une excellente occasion d’ouvrir un débat de fond sur les questions délicates et sensibles de mon pays. Surtout maintenant, alors que nous payons un prix élevé à cause du recul des droits sociaux fondamentaux de la population. C’est pourquoi mes attentes sont grandes. Mon engagement est de fournir des informations objectives et cohérentes sur ce que vit le Brésil aujourd’hui. J’espère aussi retourner au Brésil, nourri par l’énergie du peuple suisse, et poursuivre mon travail quotidien avec encore plus de force. Rappelons que le renforcement de la communication, de l’information et de la solidarité entre le Nord et le Sud, entre la Suisse et le Brésil et vice versa, est au cœur de notre coopération et est également vital pour nos organisations partenaires.

Q : Pour conclure, quelles sont les attentes de vos partenaires brésiliens quant à la coopération future avec E-CHANGER ?

DC : Le Programme Brésil d’E-CHANGER a été construit collectivement. Dès le début et dans toutes ses phases, il a été conçu, écrit et réalisé conjointement entre la Suisse et les organisations partenaires, mouvements sociaux, coopér-acteurs et coopér-actrices sur le terrain. Sans aucune imposition, quelle qu’elle soit. Les priorités sont définies sur la base des critères d’E-CH (et de son propre programme institutionnel) et des besoins et priorités des partenaires. Ces derniers souhaitent que cette manière de collaborer soit maintenue à l’avenir. C’est une façon de comprendre la coopération différemment : le sujet principal est la communauté locale, les partenaires et les coopérant(e)s dans leur travail quotidien. Ces organisations partenaires espèrent également que la présence d’E-CH facilitera leur renforcement en tant que mouvements. Elles veulent pouvoir continuer à partager leurs expériences, leurs impulsions et leurs certitudes avec la société civile suisse par le biais d’informations permanentes et de visites régulières de centaines de Suisses aux sept délégations E-CH au Brésil (de 2001 à celle de mars 2018, à Salvador de Bahia, dans le cadre du dernier Forum social mondial). En bref, nos partenaires espèrent qu’E-CH continuera à être cohérent avec les rêves et les utopies de la société civile suisse, sans jamais perdre son essence de solidarité et de fraternité envers le Sud.

Sergio Ferrari

Traduction Rosemarie Fournier

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