La douzième édition du Festival Cinémas d’Afrique s’ouvre ce 17 août à Lausanne avec Wallay.
Interview de son réalisateur Berni Goldblat, qui vit entre Genève et Bobo-Dioulasso.
Alexandre Caporal, Le Courrier
Festival Cinémas d’Afrique met en lumière à Lausanne la richesse et la diversité du septième art sur le continent africain. Durant quatre jours, sur le thème «Rencontres», plus d’une soixantaine de ilms seront présentés à la Cinémathèque suisse et au Casino de Montbenon.
Ce soir (17 août), sur l’Esplanade du Théâtre de verdure, le ilm d’ouverture sera projeté gratuitement en plein air. Wallay («je te promets» en argot arabe de banlieue) raconte la quête identitaire d’Ady, jeune métis qui vit en France avec son père burkinabé. Ce dernier, à bout de ressources,décide de confier Ady à son oncle au Burkina Faso pour un été. L’adolescent va découvrir une part de lui qu’il ignore.
Auteur de nombreux documentaires tournés en Afrique, dont Ceux de la colline (2009), présenté à Locarno et Visions
du Réel, Berni Goldblat passe à la fiction. Le réalisateur suisse, qui vit entre Genève et BoboDioulasso,s’engage depuis une quinzaine d’années pour la sauvegarde du cinéma au Burkina Faso.
Rencontre amicale sur la terrasse d’un café à Carouge.
Après plus d’une vingtaine de documentaires, vous réalisez votre premier long métrage de fiction. Quel a été l’élément déclencheur?
Berni Goldblat: La fiction m’a toujours fait rêver. J’ai eu envie de relever un défi, de prendre des risques et d’être plus libre, d’une certaine manière. C’était aussi le bon moment, je me sentais relativement mûr grâce à mes expériences dans le documentaire. Je suis fier et heureux que nous ayons réussi à mener à bien ce projet: cela nous a pris sept ans et nous avons rencontré pas mal de complications.
De quels types?
D’abord, lorsqu’on réalise un premier film, il faut convaincre des producteurs et des partenaires. Ce n’est pas facile sans
stars et quand on décide de le réaliser dans un pays aussi lointain et relativement peu connu comme le Burkina Faso.
Ensuite, il y a eu des contraintes liées notamment à des événements tragiques. Le 15 janvier 2016, à deux mois du tournage, les attentats à Ouagadougou ont remis en question tous les décors que nous avions choisis. Et fait naître une certaine crainte au sein de l’équipe. Wallay est un récit initiatique, où ce jeune métis se retrouve confronté à une autre culture… Ady est beaucoup plus français que burkinabé. Son père ne lui a pas appris à parler le dioula.
Or c’est par la langue qu’on accède à la culture, la mentalité, l’humour ou l’histoire d’un pays. Tant qu’on ne sait pas d’où on vient, on ne peut pas vraiment avancer dans la vie. Ady, lui, pense tout savoir, avoir déjà tout compris à 13 ans. D’où son arrogance et son assurance. Mais il va vite découvrir toute une part en lui qu’il ignorait. Une richesse à laquelle il n’avait jamais eu accès jusqu’ici. Au Burkina Faso, Ady apprend des valeurs comme le respect,
la famille, le travail…
Pourquoi lui manquaient-elles en France, selon vous?
Il y a une sorte de démission de la part du père. Il ne lui a pas transmis la culture et l’éducation de son pays d’origine. Je ne prétend pas que celle-ci est le chemin à suivre, j’en montre d’ailleurs aussi les limites dans le film. Mais en Occident, la société est davantage basée sur l’individu, chacun vit seul et cloisonné. Au Burkina Faso, la plupart des gens ont un lien social beaucoup plus fort avec leur environnement, des familles nombreuses habitent au même endroit.
Vous avez montré Wallay dans plusieurs festivals africains. Quelles ont été les réactions du public?
Le déi du ilm était dès le départ qu’il puisse parler à tous les publics, d’ici et d’ailleurs. Il a été montré en première mondiale à Berlin puis à Cannes et dans de nombreux festivals autour du monde, mais la projection que je redoutais le plus était celle du Fespaco à Ouagadougou, le plus grand festival de films d’Afrique. La salle était pleine à craquer et il y a été très bien accueilli.
Vous avez par ailleurs fondé l’Association de soutien du cinéma au Burkina Faso. Qu’est-ce qui vous a incité à promouvoir le septième art dans ce pays?
Le cinéma est un pont vers la tolérance et la paix, un formidable rempart contre les formes de fanatismes religieux et identitaires. Une salle de cinéma est un lieu de rencontres où on voyage, on s’instruit, on se divertit. Défendre le cinéma burkinabé, c’est aussi mettre en valeur la culture du pays. Je suis engagé depuis plusieurs années sur le projet du Ciné Guimbi, pour la réouverture d’un cinéma à Bobo-Dioulasso, qui n’en a plus depuis 2005 malgré plus d’un million d’habitants –c’est impensable! I
Festival Cinémas d’Afrique, du 17 au 20 août à Lausanne, http://www.cine-afrique.ch/
Photo: Berlinale
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