Banalisation de la violence dans les occupations des sans-toits et des sans-terre

Le 25 janvier 2008, en visite auprès de Jorge Amaro, un coordinateur de l’UMP-BA, Olivier a été initié aux pratiques violentes des « capangas », sorte de milice privée au Brésil. Arrivé à l’occupation de Kuigoma située dans la périphérie de Salvador, il a pu se rendre compte que 15 jeunes armés de pistolets d’à peine 18 ans encerclaient les occupants du terrain sous les ordres de 2 capangas seniors. Devant le refus de ces derniers à le laisser entrer sur le terrain pour discuter avec Jorge Amaro et prendre quelques images du lieu et devant leur attitude menaçante, Mira, Marcelo (son fils) et Olivier ont malgré tout décidé de rester sur place, sur un tronçon de route public, afin de pouvoir rendre compte des agissements douteux de l’équipe contractée par le propriétaire.
 
Ce jour-là, les deux capangas seniors ont décidé de s’en prendre à Olivier en lui affirmant qu’il était en état d’arrestation tout en lui arrachant son sac avec sa caméra pour la jeter dans la voiture qui s’était arrêtée juste devant lui. Le traitant de fugitif et de trafiquant, ils lui ont affirmé qu’ils voulaient l’emmener au poste de police. A la question de savoir qui ils étaient pour vouloir l’emmener de force, l’un d’eux répondit qu’il faisait partie de la police civile tout en montrant fièrement sa carte de matricule. Dans le doute, prêt à rentrer dans la voiture, Olivier s’est malgré tout refusé à y pénétrer et a préféré suivre les recommandations de Mira qui l’incitait à rester sur place, tout en feignant d’appeler l’ambassade suisse. Peu de temps après, l’arrivée de la Police Militaire a permis de rétablir le calme et de vérifier l’identité de chacun. M. Valdemar Santana était bien policier civil…, mais retraité et à la solde du propriétaire. Malheureusement, ce genre de personnage, aux relents de mercenaires des temps modernes, n’hésite pas à éliminer ce qu’il considère être de la racaille. Il était de fait peu probable que l’affaire se soit conclue au poste comme annoncé par les deux capangas seniors.
 
Auparavant, pendant la nuit, ils avaient brûlé quelques baraques de l’occupation, tués quelques chiens et n’ont eu de cesse de pointer leurs armes à bout portant sur les occupants du terrain sans épargner les plus jeunes, bien au contraire. La veille de la visite, un enfant a été sauvé des flammes alors qu’il dormait. Ces agissements d’intimidation sont malheureusement monnaie courante au Brésil et jouit d’une certaine impunité, ce d’autant plus que les capangas arguent qu’ils sont justement là pour faire respecter la loi…alors qu’ils la bafouent sciemment. Dans le cas de l’occupation Kuigoma, la justice brésilienne a été actionnée afin de résoudre ce conflit et définir si oui ou non, les occupants sont en droit de solliciter la désappropriation du terrain à travers l’INCRA (Institut National de la Colonisation et de la Réforme Agraire).
 
Nous, les Occidentaux, avons placé la propriété privée comme une valeur fondamentale de notre société et, quelque part, de notre propre liberté. Occuper le terrain d’un autre relève de la délinquance, et serions dans le fond peu enclin à accepter que l’on nous ampute une partie de notre capital. Pourquoi défendre des occupants, nous direz-vous.
 
Tout d’abord, il nous semble évident que le contexte historique brésilien n’est de fait pas le même. Colonisation, dictature militaire, puis corruption ont rythmé un pays dont on entend volontiers qu’il est le futur, mais qui, dans le fond, fait partie des plus inégaux de ce monde. Aux jeux d’alliance qu’une classe privilégiée met en place, notamment à travers un clientélisme semi-avoué, les plus pauvres n’ont guère de choix. Leurs luttes s’apparentent encore aujourd’hui à un rapport de force où les occupations restent un moyen très efficace de dénoncer l’enrichissement d’une infime minorité, ainsi que le contexte politique, social et économique des plus démunis. Un mouvement n’occupe pas une terre par hasard. Il se renseigne et s’attaque de préférence aux grands propriétaires terriens qui ont toujours su tirer profit de la dictature militaire ou de régimes corrompus, aux terres publiques sans fins sociales et au phénomène de la spéculation immobilière en règle générale.
 
Dans ce rapport de force inégal, la banalisation de la violence laisse libre court à des sévices corporels et psychologiques parfois dans l’indifférence la plus totale. A tel point que les médias traditionnels n’ont plus assez de colonnes pour relater toutes les rixes ou autres violences commises, mais traitent prioritairement les homicides en tout genre. Faux policiers civils, gangs de trafiquants, faction de la police militaire exterminatrice constituent les principaux groupes dont on sait qu’ils tuent impunément. Au Brésil, la violence s’est tellement banalisée que l’on ne la prend au sérieux que quand vous êtes … face à la mort. Heureusement, Dieu sait si le Brésil regorgent d’autres facettes bien plus sympathiques.GO

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