La Conférence Mondiale des Peuples sur le Changement Climatique et la Terre Mère bat son plein à Cochabamba, en Bolivie. L’un des thèmes récurent y est celui de l’injustice climatique.
Alivio Aruquipa, indien aymara vivant dans une communauté située près de La Paz, au pied de l’Illimani, montagne sacrée et emblématique, est venu témoigner des difficultés liées au changement climatique que rencontre son village.
Les glaciers fondent et le manque d’eau pose de sérieux problèmes. Les habitants ont ainsi noté l’apparition de nouvelles maladies, tant chez les plantes, les animaux et les humains, liés à l’augmentation de la température. En conséquence, les jeunes s’en vont à la ville. Pour Aruquipa: “il est injuste que nous, qui n’avons en rien contribué au changement climatique, soyons les premiers à en souffrir. De plus, les pays riches ne veulent rien faire, et continue à faire leurs bénéfices sur notre dos.”
Pour Alvaro Garcia Linera, sociologue et vice-président de la Bolivie: “Il est nécessaire de donner des droits à la planète, mais aussi des devoirs envers elle aux êtres humains ». Pour l’ensemble des intervenants, le salut de l’humanité et de la planète ne peut que passer par une sortie du capitalisme, ce qui rend nécessaire une remise en question fondamentale des modes de vie occidentaux.
Edgardo Lander, sociologue vénézuélien, signale qu' »une croissance infinie dans un monde qui est lui fini, n’est simplement pas possible ». Selon lui, c’est de décroissance qu’il faut commencer à parler!
On s’accorde également pour signaler que les solutions ne viendront pas de la science et de la technique. Au contraire, dans le système actuel, phagocytées par le marché, mises au service des intérêts des puissants, elles ne font qu’empirer les choses. Les véritables solutions ne viendront pas non plus du développement durable, cet amalgame de petits changements « qui ne sont acceptés que s’ils permettent d’obtenir plus de bénéfices » comme le signale Lander. On peut également noter que le paradigme communiste, voire socialiste, est également rejeté.
Pour David Choquehuanca, ministre bolivien de l’intérieur et indien aymara: « Si le capitalisme se centre sur le bénéfice, le socialisme se centre sur l’être humain. Nous sommes plus proches du socialisme, mais il faut également dépasser ce paradigme andro-centrique, pour mettre au centre la vie, la Mère Terre, les montagnes, les rivières, les papillons… »
Alors c’est dans les sagesses traditionnelles, dans des modes de vie plus simples et en harmonie avec les semblables et la planète, que les êtres humains pourront trouver les racines de futurs modes vie plus harmonieux. Pour Choquehuanca, c’est en se laissant influencer par le « Bien Vivre » des peuples indigènes – et non le « mieux vivre » occidental – que l’humanité trouvera des sorties à la crise globale actuelle. Utilisant de nombreux mots aymara désignant des concepts inconnus en Occident, il montre que des voies existent qui permettent de repenser la vie collective, afin « de retrouver un équilibre ».
Mathieu Glayre, Tiquipaya-Cochabamba,
Collaboration E-CHANGER
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L’autre sommet…
Refusée par les plus hautes autorités boliviennes, la table 18 se tient en dehors du site officiel de la Conférence. Ici, la belle image d’une Bolivie vertueuse est quelque peu ébréchée. Organisée par des mouvements écologistes et indigènes boliviens, s’y débattent des thèmes qui demeurent « tabous » pour le gouvernement.
Mégaprojet d’infrastructures de transport qui couperaient en deux des communautés indigènes amazoniennes situées dans des zones écologiques aussi riches que délicates. Exploitation de minerai sur l’altiplano qui épuise les rares eaux fossiles des communautés indiennes des alentours. Exploitation pétrolière irrespectueuse dans différentes zones indigènes sensibles des plaines de l’est. La liste des problèmes « cachés » par le gouvernement semble longue comme un jour sans feuilles de coca.
Cependant, les discours des participants demeurent modérés envers le gouvernement. « Le président Evo ne fait que le 50% de ce qu’il faudrait faire. Mais il est vrai que les précédents n’ont absolument rien fait du tout pour nous », signale ainsi un chef indigène aymara.
Comme l’a signalé le ministre bolivien de l’intérieur, « cela ne fait que quatre ans que les mouvements sociaux sont au pouvoir en Bolivie. » Et le gouvernement a besoin d’importantes ressources pour financer l’augmentation du niveau de vie matériel de la population. Cependant, il sera difficile de continuer le « processus de changement » si le gouvernement n’accepte pas d’écouter ceux qui, finalement, sont plus des alliés que des ennemis.
Mathieu Glayre, Tiquipaya-Cochabamba, collaboration E-CHANGER