Il fait peu de doute que l’actuel président sera reconduit dans ses fonctions. A deux mois des élections, les sondages lui donnent en effet de 45% à 60% des voix. Cependant, lors des élections de ces trois dernières années, le MAS a toujours réalisé de meilleurs scores que ce que prédisaient les sondages. Ainsi, Evo Morales avait été élu en décembre 2005 avec un surprenant 54% des voix, le meilleur score de l’histoire démocratique du pays. Il a depuis largement remporté toutes les élections et les votations.
Le principal opposant, Manfred Reyes Villa, est un ancien militaire proche de l’ex-dictateur et ex-président Hugo Banzer. Politiquement conservateur-populiste, il a été maire de Cochabamba et préfet du département du même nom, poste duquel il a été révoqué par le peuple il y a une année et demie. Son colistier est Leopoldo Fernandez, ex-préfet du département amazonien du Pando, croupissant actuellement en prison. Il est en effet accusé par la justice bolivienne d’avoir organisé le massacre d’une douzaine de paysans en septembre passé, au plus fort de l’opposition entre le gouvernement et les départements autonomistes. Ce curieux “binôme », qui a débuté il y a quelques jours sa campagne électorale devant les portes de la prison de La Paz où est incarcéré le candidat à la vice-présidence, est actuellement crédité de 15% à 20% des intentions de vote.
En fait, l’élection présidentielle semble de relativement peu d’intérêt, tant les jeux paraissent faits. En effet, le MAS (Mouvement vers le Socialisme) d’Evo Morales a largement dominé toutes les élections et les votations depuis trois ans. Il est le seul à proposer un véritable programme politique. Les partis traditionnels se sont totalement décrédibilisés au cours du dernier quart de siècle, pour cause de corruption, d’inefficacité ou d’alliance contre-nature. Les « nouveaux » partis – créés pour l’occasion en recyclant d’anciens politiciens – se contentent pour tout programme de « vouloir faire tomber l’indien-président ». Cependant, les différents candidats de l’opposition ont adopté le discours de leur ennemi, en faisant de grandes déclaration en faveur des pauvres, de « nos frères et sœurs indigènes », des sans-toits, etc., catégories que ces mêmes politiciens ignoraient superbement jusque-là. Lors de ce début de campagne, ils ne manquent d’ailleurs jamais d’apparaître devant les médias avec quelques indigènes à leurs côtés !
Ce sont en fait les élections au parlement nouvelle formule, rebaptisé Assemblée Plurinationale, qui comportent les plus grands enjeux. S’il ne fait que peu de doute que le MAS disposera de la majorité des sièges, la question est de savoir si l’opposition continuera à disposer du contrôle de la chambre haute. Il faudrait en effet que le parti d’Evo Morales remporte la majorité dans chacune des deux chambres, s’il veut s’affranchir des blocages systématiques que la droite a cultivés durant la présente législature. Et il aurait besoin des deux tiers du total des sièges de l’Assemblée, s’il veut pouvoir avancer rapidement dans les réformes promises à ses bases. Le président et son parti pensent d’ailleurs pouvoir atteindre un score dépassant les 67%, leur meilleur score, atteint lors du référendum révocatoire d’août dernier.
Le système de l’élection du nouveau Parlement bolivien est quelque peu alambiqué. La Chambre Basse compte 130 sièges de députés, qui se répartissent de trois manières différentes. 58 députés « plurinominaux » seront désignés par leurs partis selon leurs résultats respectifs lors de l’élection présidentielle. 65 députés « uninominaux » seront directement élus par le peuple dans autant de circonscriptions électorales. Quant aux 7 derniers sièges, ils sont réservés aux minorités indigènes des plaines basses du pays – qui en espéraient beaucoup plus – et qui les pourvoiront selon des modalités qui leur sont propres. Finalement, la Chambre Haute comporte quant à elle 36 sièges, soit 4 par département. Les sénateurs y seront élus à la proportionnelle dans leur circonscription départementale.
Finalement, il faut noter que les élections régionales (mairies et préfectures), qui auront lieu en avril prochain, auront une grande importance sur la prochaine législature. En effet, les trois premières années du gouvernement Morales ont été marquées par les tensions avec les autorités régionales des plaines orientales. En effet, les anciennes élites, ayant perdu le pouvoir politique au niveau national, s’efforcent de conserver leurs privilèges au niveau local. Le déroulement de cette deuxième et dernière législature pour le président Morales sera donc probablement autant conditionné par la composition des préfectures régionales que par celle du Parlement.
*Mathieu Glayre,
Volontaire de E-CHANGER À Tarija, Bolivie
Service de presse E-CHANGER