Décès d’un ami, d’un volontaire dédié à la cause du peuple colombien

Il était un homme souriant, brillant et impliqué pour l’association paysanne « Tierra Adentro » en Colombie. En voyage au Pérou et Bolivie afin de rejoindre son frère en Argentine, un accident de la route nous l’a enlevé, lui et l’un de ses compagnons de voyage. Les mots ne suffisent pour apaiser la douleur. Au silence se substitue son dernier témoignage recueillit par Sergio Ferrari. “Les partenaires nous demandent d’être solidaires, de nous rapprocher d’eux, de nous identifier à eux”. Interview de Matthieu Cramer.
 
Coopération solidaire avec la Colombie
 
“Les partenaires nous demandent d’être solidaires, de nous rapprocher d’eux, de nous identifier à eux”
 
Sergio Ferrari*
 
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Matthieu Cramer avait découvert l’Amérique latine bien avant de devenir coopér-acteur d’E-CHANGER (E-CH) en Colombie, où il vit depuis plusieurs ans. « On était en 1995. J’avais à peine 19 ans quand j’ai entrepris un voyage de onze mois, sac à dos, entre le Canada et Santiago de Chile… J’ai vu tant de choses ! Mais le plus important, c’est que j’ai appris à désapprendre, explique-t-il. J’ai dû laisser mes préjugés derrière moi , saisir à bras le corps cette réalité pleine de contradictions, de contrastes, de diversité, de misère et de joie. Pleine de vie…». Mathématicien de profession, Matthieu Cramer travaille à Inzá pour l’association paysanne « Tierra Adentro » (ACIT) où il s’occupe de projets pédagogiques et d’actions d’intégration régionale. En un mot, il aide au renforcement organisationnel de cette dynamique association du sud-ouest colombien. Le programme E-CH Colombie, qui est en plein développement, prévoit la présence d’au moins six coopér-acteurs/actrices en 2009. Ces volontaires travailleront sur deux axes thématiques : d’une part la souveraineté alimentaire, d’autre part les droits humains et le renforcement de la citoyenneté.
 
De quel espace réel dispose la coopération solidaire dans la situation complexe que connaît aujourd’hui la Colombie ?
 
Différentes types de coopération se sont établis dans le contexte du conflit, mais sa durée et sa cruauté ne facilitent pas la tâche. Comment en effet faire avancer une proposition de coopération dans ces circonstances ? À mes yeux, la coopération n’a guère le choix : elle doit être le plus près possible des secteurs les plus appauvris de la population et reconnaître l’aspiration des Colombiens à des changements profonds. Le type d’organisation partenaire avec lequel on travaille est alors essentiel. Nous devons renforcer l’accompagnement de ces secteurs.
Je constate l’existence en Colombie d’une multitude d’ONG qui revendiquent une coopération dite « neutre » et se tiennent éloignées de ce que pensent et de ce que revendiquent les organisations sociales. Pour moi, c’est là une vision limitée et insuffisante. Sans compter qu’avec le silence presque total des organismes internationaux sur ce qui se passe réellement en Colombie, s’en tenir à cette apparente neutralité, c’est être dans une certaine mesure complice du statu quo.
 
Il faut donc pratiquer une coopération de proximité, une coopération à visage humain ?
 
Lors d’une rencontre des coopérants suisses avec des partenaires colombiens, ces derniers ont signalé l’importance de l’accompagnement des communautés qui tentent de construire une proposition de paix. Alors que règnent l’exclusion, la guerre, la crise humanitaire, de nombreuses communautés résistent et agissent pour avoir une vie digne, conforme à leur façon de comprendre le développement qui pour elles passe par la préservation de l’harmonie entre le territoire, la communauté organisée et la production agro-alimentaire.
Nos partenaires nous expliquaient que ces communautés ont besoin d’être accompagnées, afin de leur permettre de résister à la guerre et de continuer à croire en un avenir meilleur. La présence des coopér-acteurs leur donne des forces, les valorise, les protège et leur offre une certaine garantie au milieu du conflit.
Il est important que les projets et les propositions en faveur de la vie et de la paix dont ces communautés, ces associations, ces organisations sont porteuses soient visibles. Notre présence peut faciliter les choses. Elle contraint l’armée ou les groupes paramilitaires à modérer leurs actions. Pour ce qui est des autres acteurs armés, c’est la capacité à s’organiser dont fait preuve la communauté qui garantit la sécurité de ses membres.
 
Quel est l’apport spécifique des coopér-acteurs ?
 
Le coopér-acteur est un pont. Il tisse des liens entre les organisations sociales colombiennes et la société civile suisse, les rapproche pour qu’elles puissent partager leur vécu. Pour ce qui est de Genève et d’Inzá, par exemple, il existe depuis plusieurs années une relation étroite entre des institutions municipales et cantonales ainsi qu’entre des associations.
Ma présence a permis que de nombreux Genevois viennent à Inzá et se rendent compte de ce qu’est la vie quotidienne de ses habitants, et que des collègues d’Inzá aillent en Suisse et entrent en relation avec des Genevois. La rencontre entre les peuples, facilitée par les coopér-acteurs, est une plus-value. Ce que nos partenaires nous enseignent au quotidien est également une plus-value. Ils nous apprennent à rêver, à renouveler l’utopie…
Vía Campesina, le plus vaste réseau paysan à l’échelle de la planète, a pour slogan « mondialiser la lutte, mondialiser l’espoir ». C’est-à-dire qu’il faut avoir une vision globale, comprendre que nous devons maintenant nous opposer au système mondial, qui exclut et marginalise. Sans compter que les pays d’origines des coopér-acteurs ont généralement une large responsabilité dans ce qui se passe à travers le monde.
Accompagnement, solidarité, identification avec leur vécu et leurs revendications, voilà ce que demandent nos partenaires. C’est là un point-clé de notre action.
 
*Traduction Michèle Faure
Collaboration d’UNITE / E-CHANGER

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