Susanne a 20 ans. Elle et 10 de ses collègues travaillent comme apprenties dans un atelier textile de Kumasi au Ghana. Ni elle ni ses collègues ne sont rémunérées pour le travail qu’elles font. Elles restent au crochet de leur famille pour l’alimentation, le transport et le logement. Elles rêvent d’acquérir leurs propres machines, ce qui leur coûterait environ 55 US$, mais il se peut que ce rêve ne devienne jamais réalité.
David, 25 ans, doit aller aux entretiens d’embauche et aux cours de formation pour avoir accès au marché de l’emploi en Australie. Mais ce dont David a besoin, c’est un emploi pour survivre, le gouvernement ayant réduit les allocations de chômage. Il est fort préoccupé par son avenir.
Julio a 24 ans. C’est un jeune travailleur paraguayen sans emploi qui s’est vu refuser un travail dans une usine sous prétexte que son frère y travaillait déjà. Il se fait que son frère a été l’un des premiers à revendiquer ses droits au sein de l’entreprise.
Maria a 24 ans et travaille dans une chaine de restaurants “fast-food” en Belgique. Elle travaille en cuisine dans des conditions de précarité et d’insécurité car les mesures de sécurité nécessaires ne sont pas prises pour la préparation de repas chauds. Son bras porte les cicatrices d’un accident dont elle a été victime sur le lieu de travail.
Dusanth, 20 ans, et Parivala, 21 ans (prénoms d’emprunt), travaillent toutes les deux dans la chaine de restaurants « Neelagiris » qui possède une vingtaine d’établissements au Sri Lanka. On leur avait promis un salaire mensuel de 25 US$ mais elles reçoivent moins que cela et en outre elles ne sont pas inscrites à la Sécurité Sociale. Les travailleurs dans ces restaurants sont obligés de prester des heures supplémentaires non rémunérées. Elles ont un nombre inacceptable d’heures de travail, allant de 4.30 du matin jusqu’à 11.30 le soir. L’entreprise ne dispose que d’un petit dortoir pour loger la soixantaine de travailleurs qui restent sur place après leur travail.
Des millions de jeunes connaissent des situations similaires, tant dans les pays en développement que dans les pays développés. Ils ont des contrats temporaires, travaillent dans l’économie informelle, les zones franches, à domicile, dans les usines des entreprises multinationales. Elles n’ont généralement pas accès à la protection sociale, aux soins de santé, au droit à la maternité, à la pension, aux congés payés. Dans nombre de pays, les travailleurs temporaires et ceux qui travaillent dans les zones franches n’ont pas le droit de s’organiser au sein d’associations de travailleurs ou de syndicats. Les jeunes femmes qui travaillent dans le service domestique, dans les plantations de fleurs et les zones franches sont souvent victimes de discrimination en tant que femmes, elles sont victimes d’abus sexuels et de violence. Des jeunes, et en particulier des femmes, sont l’objet de la traite des êtres humains. Dans ce cadre on leur promet un travail décent et une vie meilleure, mais elles finissent par être victimes de l’industrie du sexe ou tombent dans d’autres pièges du même genre. De nombreux jeunes émigrent dans d’autres pays ou vont vivre dans les grandes villes où ils sont discriminés, exploités et exclus.
Il y a plus de 120 ans, les travailleurs ont lutté pour obtenir le droit à la journée de huit heures. Les conventions de l’OIT sur le temps de travail reconnaissent ce droit. Pourtant, après 120 années de luttes, il y a encore des travailleurs dans le monde qui doivent travailler un nombre inacceptable d’heures supplémentaires non rémunérées. Beaucoup de pays dans le monde n’accordent pas l’attention nécessaire à l’application de ce droit sur le temps de travail dans un contexte ou il faut créer “près d’un milliard d’emplois dans la prochaine décennie ” pour résoudre le problème du chômage.
La mondialisation économique néo-libérale détruit la vie et le travail des jeunes et les laisse sans protection. Des services publics tels que l’éducation, la fourniture d’eau ou d’électricité, le transport ou la santé, sont de plus en plus privatisés, laissant ainsi les pauvres et les exclus en marge de la société. Le nombre de pauvres et de chômeurs augmente jour après jour.
La JOCI, mouvement international de jeunes travailleurs présent dans 50 pays de tous les continents, mène des actions qui touchent plus de 100.000 jeunes avec ou sans emploi. La JOCI défend le droit des jeunes travailleurs à vivre en dignité. Parmi ses luttes, la JOCI revendique le droit à l’éducation, à l’égalité des genres, le droit à la formation professionnelle, à un travail décent et à la protection sociale.
La JOCI fait un appel à tous les pays afin qu’ils respectent les droits des travailleurs et ratifient les conventions de l’OIT, afin qu’ils promulguent des lois dans ce sens et les appliquent. Une économie productive durable n’est possible que si les droits des travailleurs sont respectés. La protection des travailleurs et les systèmes de santé ont une influence directe sur la production et les services qui doivent être mis en place grâce aux politiques et aux mesures de protection sociale.
Le moment est venu pour les gouvernements et les entreprises de réduire le temps de travail sans perte de salaire ou d’avantages pour les travailleurs, de manière à créer des emplois nouveaux. Nous le revendiquons au nom de ces millions de travailleurs qui luttent en faveur d’un travail décent et durable pour tous !
Bruxelles, le 28 avril 2006
Thiruvalluvar Yovel
Président,
Jeunesse Ouvrière Chrétienne Internationale