La consolidation du système électoral constitue un antidote aux options violentes

Q: Comme bon connaisseur du Venezuela, qu’est-ce qui vous a le plus surpris ou frappé durant les récentes élections ?
Walter Suter (WS): J’ai assisté à plusieurs élections au Venezuela depuis 2003: avec des missions d’observation envoyées par l’Union européenne en 2005 et 2006 et maintenant comme accompagnant. Ce qui m’a le plus impressionné, c’est que depuis l’introduction du vote automatisé jusqu’à aujourd’hui ce mécanisme électoral s’est développé, pas à pas, de manière constante. Au début, environ la moitié des bureaux de votes disposait d’un système de vote automatisé et les autres conservaient un système manuel. Aujourd’hui, tous les bureaux de vote sont automatisés et utilisent ce système technologiquement sophistiqué. Les délégations d’accompagnement électoral en provenance du monde entier, présentes maintenant au Venezuela ont pu voir son fonctionnement. Ce système totalement blindé (ndr: il assure la protection totale des données) exclut toute éventualité de fraude. Il a stabilisé la situation politique. Et malgré la polarisation de la récente campagne électorale, cet instrument hautement développé est devenu un facteur déterminant pour canaliser les polarisations et les conflits éventuels dans un cadre pacifique et non-violent, renforçant ainsi la pratique démocratique au Venezuela

Q: Votre hypothèse, ce renforcement du système électoral – avec un vote secret, fiable et sûr, reconnu même par l’opposition, a donc évité des affrontements violents dans un pays qui a connu un processus de changement durant ces deux dernières décennies ?
WS: Exactement. Je crois que cette hypothèse a été partiellement confirmée par le Conseil national électoral (CNE). La raison pour développer ce système si sophistiqué –  l’un des plus avancés du monde – n’a pas seulement pour objectif d’éviter la fraude, mais aussi d’éviter des affrontements violents résultant des tensions internes entre le gouvernement et l’opposition. Un élément très important après les diverses tentatives de coups d’Etat et de déstabilisation du système institutionnel qu’avait connu ce pays sud-américaine dans ces dernières années.

Q: Des élections qui consolident donc le processus démocratique à la « vénézuélienne » ?
WS: Exactement. Avec une constitution basée sur 5 pouvoirs de l’Etat, indépendants entre eux, dont l’un – le pouvoir électoral – acquière la même importance que le pouvoir législatif ou le pouvoir judiciaire. Ce niveau institutionnel élevé donne une fiabilité et une force particulière aux élections, qui deviennent réellement un facteur de paix pour le Venezuela. Un processus ouvert, en cour, qui a été clairement ratifié par les résultats électoraux de ce dimanche.

Q: Néanmoins, les médias – notamment en Europe – parlent de la « dictature*de Chavez…
WS: A mon avis, ces attaques sont intellectuellement malhonnêtes. Il n’y a pas de dictature au Venezuela, mais un système démocratique qui a connu plus d’une dizaine d’élections durant la dernière décennie. Parler de dictature est ridicule. Il se peut que le président Chavez ait une manière particulière de comprendre et de faire de la politique, avec certains traits caudillistes. Mais ce n’est pas un dictateur. Il agit dans le cadre de la Constitution et des lois. Pour mémoire, il a gagné la grande majorité des scrutins ces dernières années. Mais quand il a perdu un scrutin en 2007 – la réforme constitutionnelle -, bien qu’avec une très légère différence de voix, il a immédiatement reconnu le soir même le résultat des urnes.

Q: Une réflexion qui exclut toute altération ou fraude dans le résultat de ce dimanche ?
WS: Je suis totalement convaincu que le processus a été exempt de fraude. J’ai assisté personnellement à plusieurs scrutins au Venezuela. Je ne peux voir dans le scrutin actuel aucune possibilité de distorsion des résultats. Et je n’ai aucune préoccupation à ce sujet. L’opposition elle-même a dû reconnaitre, avant le scrutin, que le pouvoir électoral garantit le vote libre, transparent et sûr. Le Venezuela a déployé de grands efforts, en énergie et en moyens, pour construire et compter sur un système électoral pratiquement parfait.

Q: Que la Suisse, d’une manière ou d’une autre, a aussi aidé à renforcer…
WS: Grâce à une coopération active. Le Conseil national électoral a mené des échanges avec la chancellerie fédérale suisse et avec l’Institut du fédéralisme à l’Université de Fribourg, sur le thème des élections. Ils voulaient connaître le modèle suisse de démocratie directe, participative, avec le référendum. Il y eut des échanges institutionnels entre juristes et conseillers. Je suis très content d’avoir pu contribuer à cette initiative. Je l’ai considéré quasiment comme une obligation morale de la Suisse, vu que nous sommes pratiquement, à ce niveau, l’unique référence mondiale. Il aurait été peu crédible de s’abstenir et ne pas coopérer avec les institutions vénézuéliennes pour aider à leur consolidation.
 
Propos recueillis par Sergio Ferrari à Caracas
Traduction de l’espagnol : Hans-Peter Renk (à Neuchâtel)

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