La Coupe du Monde de football 2014 au Brésil donne le rythme à de nombreux projets d’urbanisation – l’exemple de Salvador de Bahia

 
L’échéance de la Coupe du Monde de 2014 au Brésil sonne comme un couperet aux yeux des nombreuses instances dirigeantes. Pas le temps de s’attarder. Juste de quoi dessiner ce que sera le Brésil de demain et faire valoir les dates butoirs. Sinon gare aux retombées négatives en terme de crédibilité mondiale. De l’expérience en Afrique du Sud de la Coupe du Monde 2010, deux priorités ressortent clairement : la mobilité et le combat contre les inégalités. Deux axes clés puisque le Brésil est déjà proie à de nombreux problèmes liés aux transports, tout comme il est décrié comme l’un des pays au monde parmi les plus inégaux en terme de redistribution des richesses. En effet, d’un quartier à un autre, vous passez de l’Europe à l’Afrique (selon les enquêtes de l’ICBGE publiant les indices de développement humain sur Salvador). De plus le Brésil à l’image des pays d’Amérique Latine possède selon l’ONU le troisième pire coefficient de gini mesurant les inégalités de redistribution de richesse, juste derrière la Bolivie et Madagascar. Voilà que l’élève modèle, cette nouvelle économie émergente, perd un peu de son lustre.
 
Le ton est donc donné à toutes sortes de spéculations sur ce qu’il faut faire en grande priorité : ponts, méga-carrefours routiers, téléphériques urbains, métros, trams, agrandissement des routes, et développer à tout prix l’hôtellerie, les zones touristiques de la ville ainsi que mettre en place une politique affirmative combattant les inégalités. La résultante : toute la côte océanique est repensée en terme d’infrastructure d’accueil pour un tel événement.
 
Seulement du côté de l’observatoire de la Coupe du Monde tenu par l’Université Fédérale de la Bahia, personne ne se leurre sur le sujet. « Enormément d’argent va être injecté dans des mégaprojets d’urbanisation, mais peu ou rien ne sera redistribué pour les quartiers pauvres de la périphérie », explique Angela Gordilho en charge de cette observatoire. A titre d’exemple, à Pau da Lima faisant partie du projet Dias Melhores, le principal axe routier s’appelant la « Gal Costa » va passer de deux voies à quatre dans l’optique de relier le stade de Pituaçu à celui du Barradão…Coupe du Monde oblige. Dans ce cas précis, le PAC mobilité 2014 (N.d.l.r. : Programme de d’accélération de la croissance mobilité 2014) du Gouvernement Fédéral prévoit plus de 200 millions de reais pour cette route. Et avec cela, les communautés doivent s’estimer bénéficiaires car, aux yeux des instances dirigeantes, cette intervention va valoriser les quartiers que l’avenue Gal Costa traverse.
 
Cette politique illustre bien ce que le Gouvernement pétiste prône en terme de consensus. On maintient l’économie à flot en combattant la crise par des programmes permettant aux grandes entreprises de construction civile de s’enrichir substantiellement et à la population de travailler dans des corps de métiers techniques tel que maçons, électriciens, etc. Le chômage recule, certes. Les grandes entreprises gagnent beaucoup et ne sentent pas la crise. La majorité des personnes sont d’ores et déjà sortis du seuil de la misère. Le PT gagne des alliés économiques pour financer ses campagnes électorales, mais dans le fond les inégalités perdurent, voire s’amplifient.
 
 

Côté habitation

En ce qui concerne le logement populaire, dans la même lignée de politique affirmative consensuelle, le Gouvernement prévoit une somme phénoménale pour la construction de nouvelles habitations principalement destinées pour la population de zéro à trois salaires minimums. Le cri des mouvements sociaux qui luttent pour la reforme urbaine depuis plus de 20 ans a-t-il enfin été entendu ?

La deuxième étape du programme de logements du Gouvernement pour la population à bas revenu, appelé Minha Casa Minha Vida 2, prévoit un investissement de 125,7 milliards de reais (env.66 miliards de frs) jusqu’en 2014, année clef qui génère une accélération vertigineuse à la transformation urbanistique de ce pays. En tout cas, ce qu’on constate, c’est que 2014 sera la fin du mandat de la Présidente Dilma Rousseff et que cette année le Brésil accueille la fameuse Coupe du monde. Ces deux faits cumulés semblent donner une motivation à ce Gouvernement « pétiste » dirigé par une femme qui face à ce double défi de taille a l’air de souhaiter prouver aux Brésiliens et au reste de la planète qu’il est capable de tenir ces promesses pour son peuple et que le Brésil est un exemple pour l’avenir. Le temps d’un jeu de ballons, le monde entier va se tourner sur le fameux pays du futebol et do samba carnavalesque, et se détourner de son image liée à sa violence et ces bidonvilles.

On peut comprendre que ce Gouvernement construit en partie des mouvements sociaux et des syndicats revendicateurs pour un pays plus juste depuis plus de vingt ans ait envie de montrer une autre facette et peut-être une toute nouvelle réalité – espérons que ce soit le cas.
Mais regardons de plus près ce que prévoient les nouvelles modalités de ce programme habitationnel. L’objectif est de construire 2 millions de maisons jusqu’en 2014, sur le total de l’investissement (125,7 milliards de reais), R $ 72,6 milliards est prévu pour des subventions et R$ 53,1 milliards pour le financement.

Le Gouvernement a déclaré que la valeur moyenne des logements pour les familles à bas revenu va augmenter de 42’000 reais (première valeur du programme en 2009, dont l’união Bahia a 4 projets pour un total de ~ 800 familles), à la valeur de 55’188 reais pour Minha Casa Minha Vida 2. La taille des maisons et des appartements va également être augmentée, celle de l’ancien programme était de 35 mètres carrés ; elles en auront dorénavant 39,6 mètres carrés, tandis que les appartements, passeront de 42 à 45,5 mètres carrés. Il est aussi prévu que les logements soient plus confortables avec comme nouveauté une augmentation de la taille des fenêtres et des portes. Le sol sera couvert de carrelage tout comme les murs de la cuisine et de la salle de bains. Une touche écologique a été aussi pensée puisque l’on prévoit de mettre des panneaux solaires pour les 2 millions de maisons dans l’optique de chauffer l’eau de la douche.

Selon de Ministère des Cités, le 60% des logements au minimum doivent être destiné à des familles dont le revenu mensuel atteint jusqu’à 1’600 reais par mois dans les zones urbaines, et 15’000 reais par an aux zones rurales. En huit ans de Gouvernement pétiste, c’est la première fois qu’un programme s’attèle à réduire le déficit habitationnel pour les personnes les plus pauvres, quitte à investir à fonds perdus. Selon le gouvernement, une nouvelle règle permet aussi l’acquisition d’un logement du programme en cas de processus d’expropriation lié à l’urbanisation d’un bidonville ou d’une occupation. Cela garantit aux habitants de ces zones d’avoir le droit à une part du gâteau même s’ils n’ont pas un salaire minimum. Le gouvernement s’attaque enfin aux situations les plus précaires, avec les baraques de misère.

Des petites modifications qui vont faciliter la vie de certaines

Une nouvelle règle du programme prévoit qu’une femme séparée peut acquérir un logement sans l’autorisation d’un conjoint au cas où il n’y aurait pas encore une procédure de divorce. Cette règle s’applique que pour les familles de bas revenu. Personnellement, nous constatons que les personnes que nous côtoyons à travers les activités de l’União sont pour environ 60% des bénéficiaires des femmes, souvent mères célibataires qui ont la charge des enfants et des petits-enfants, ont des petits revenus et vivent avec leurs familles dans des conditions très difficiles sans espace suffisant comportant des complications sanitaires. Elles méritent aussi d’être considérées, cette modification va peut-être leur faciliter la procédure en cas de séparation difficile.

Mais ce programme n’est pas que pour les familles à bas que revenu. Il est prévu que 30% soit investi pour des familles de la classe moyenne basse jusqu’à 3’100 reais par mois, (notre situation) et 10% de la valeur total sera investie pour des foyers de la classe moyenne haute, jusqu’à 5’000 reais mensuel.

Petite évaluation de la première version de Minha Casa, Minha Vida

Le programme de logement Minha casa Minha vida 1, lancé en 2009 avec comme but de réduire le déficit de logements au Brésil, a dépassé l’objectif de financement d’un million de foyers et a atteint le cap des 1.005.028 unités de logement en février de cette année. Les 50 milliards d’investissements semblent avoir été dépensés. Cependant, à ce jour, seulement 253 000 unités de logements ont été livrées. Les 4 projets de Minha casa Minha Vida dont l’União est responsable se construisent petit à petit et nous donnent plus d’espoir que les anciens programmes tels que le crédit solidaire dont vous avez entendu parler de nombreuses fois avec l’exemple du projet de Paripe. Les 300 familles de Feira de Santana recevront bientôt leur maison puisque le chantier est bientôt terminé.

Nous finirons donc avec cette question: et si un simple ballon pouvait influencer le monde et donner envie de soigner son image ? Si c’est le cas, et bien que cette coupe du monde accélère le processus d’urbanisation en plaçant 2014 comme date butoire et que des nouvelles clefs soient distribués aux citoyens qui n’attendent que cela depuis des lustres -que ce « jeu » soit profitable pour tous, finalement la fête en sera que plus belle, même si c’est détestable de voir qu’il y en a qui en profites toujours plus que les autres et qui savent se mettre sous les projecteurs au bon moment. De notre côté, nous n’oublierons pas les réels protagonistes de la réforme urbaine. Les travailleurs de l’ombres, ceux qui sont dans les coulisses mais qui font un travail de fourmis. Ceux-là, on commence à les connaitre. Cela va faire bientôt cinq ans que nous en côtoyons certains et nous espérons que le prix de leur sueur va être récompensé par la réalisation de ce qui les pousse à continuer à se battre. Comme toujours, l’avenir nous le dira. Espérons que ces transformations soient constructives pour ceux qui en ont vraiment besoin et que les caméras sauront poser un regard critique là où ça vaut le coup de regarder ! 
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COT
 

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