Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du Brésil AYA Info – No 141 Genève, le 27 septembre 2022

« AYA Info » est en ligne sur deux sites Internet : Humanitaire.ws et MCI

 Conformément à ce qui a été annoncé dans le bulletin No 123, cette édition est la reprise des notes publiées dans le blog que la « Tribune de Genève » nous a invités à tenir dans son édition électronique. Ces notes, et les précédentes, sont consultables avec ce lien :

http://bcomoli.blog.tdg.ch

Note du 16 avril 2022

Brasilia : des milliers d’indigènes réunis pour la défense de leurs droits

L’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a appelé ses organisations de base de tout le pays à se rassembler à Brasilia entre le 4 et le 14 avril pour la 18e édition du « Campement Terre Libre – ATL» sur le thème « Reprenons le Brésil : Démarquer les Territoires et  « villagiser (1) » la politique ». Une manifestation qui, selon les organisateurs, a réuni près de huit mille indigènes venus exprimer leur volonté de défendre leurs droits gravement menacés. Cette année, l’ATL se déroule dans un contexte particulier : 2022 est une année électorale et les droits des indigènes sont particulièrement menacés.

En octobre prochain (les 2 et 30), il y aura les élections fédérales pour désigner le Président de la République, les membres de la Chambre des Députés, un tiers des Sénateurs, les Gouverneurs et les membres des Assemblées Législatives des 26 États et du District fédéral (Brasilia). Un processus qui a déjà commencé : entre le 3 mars et le 1eravril était ouverte une « Fenêtre partidaire », un mois pendant lequel les élus peuvent changer de parti politique sans perdre leur mandat. Au terme de cette opération, il s’avère que le Parti Libéral – PL a le plus de représentants à la Chambre des Députés (qui compte 513 membres). Il est passé de 33 à 78 élus. Jair Bolsonaro, après avoir été membre de huit partis différents, a adhéré au PL à la fin novembre 2021. Lors de l’ATL, le sujet des prochaines élections a été abordé le 8 avril, jour où les femmes indigènes ont exprimé leur intention d’être davantage présentes dans les institutions politiques. Elles sont quatorze à être pré-candidates : sept pour représenter leur État à la Chambre des Députés ou au Sénat où elles veulent y créer une « Bancada do Cocar (2)» (un Front parlementaire indigène). Et sept pour siéger dans l’une ou l’autre Assemblée Législative d’un État. Sônia Bone Guajajara, la Coordinatrice de l’APIB se présente sous l’étiquette du Parti Socialisme et Liberté – PSOL pour l’État de São Paulo. Aux élections de 2018, déjà pour ce même parti, elle avait été candidate à la Vice-présidence de la République (3). Joênia Wapichana, sera à nouveau candidate pour représenter l’État de Roraima à la Chambre des Députés.. En 2018, elle a été la première femme indigène de l’histoire du Brésil à être élue députée.

Le 12 avril, l’ancien Président Luiz Inácio Lula da Silva – lui aussi pré-candidat à la présidence de la République – était présent à l’ATL. Les organisations indigènes lui ont annoncé soutenir sa candidature dans une Lettre ouverte. Mais ce document énumère les engagements sur lesquels devraient porter le programme de Lula : les droits territoriaux ; la réactivation des espaces de participation et de contrôle social indigènes ; la reconstruction des politiques institutionnelles indigènes ; l’interruption de l’agenda anti-indigènes en cours au Congrès fédéral et la mise en œuvre d’un programme de protection de l’environnement. Lula – au cas où il est élu – s’est engagé à révoquer les décrets anti-indigènes de Bolsonaro et à créer un Ministère des peuples originaires.

Les organisateurs de la rencontre de Brasilia ont voulu sensibiliser la population sur les dangers de l’agenda anti-indigènes du gouvernement, des lobbys de l’agrobusiness, des évangéliques et des militaires. Le Projet de Loi n° 191/2020 ouvrant les Terres Indigènes à l’exploitation minière est particulièrement préoccupant (4). La majorité de la Chambre des Députés a décidé que ce texte devait être traité en urgence. Mais, récemment, le président de la Chambre a annoncé que le projet serait voté « encore en 2022 » et non pas dans les jours qui viennent. Cependant l’APIB ne relâche pas la pression. Elle a repris à son compte la « Lettre ouverte » publiée le 22 mars par le « Front parlementaire mixte de défense des droits des peuples indigènes – FPMDDI». Elle a lancé un appel au public en souhaitant recueillir un large appui populaire.

Pendant l’ATL, l’APIB a publié un rapport – Yanomami sous attaque – édité par l’Hutukara Associação Yanomami sur l’impact de l’orpaillage illégal dans la Terre Indigène Yanomami et des propositions pour le combattre. Une illustration du danger que constitue le PL 191/2020 !

Le document final de l’ATL se termine par un appel à l’union : « [Nous] réaffirmons que notre union est fondamentale pour que nous avancions, ensemble sur le chemin de notre projet de pays plurinational, de paix, de justice et en harmonie avec notre Mère Nature. C’est ainsi que nos ancêtres ont agi : il n’y a pas e place pour la division, le sectarisme et quelque type de violence entre nous. Sortons de cet ATL encore plus unis avec la certitude que c’est là notre plus grande force ! »

En se mobilisant de la sorte les indigènes brésiliens agissent pour maintenir un cadre de vie utile à toute l’humanité…

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(1) « Villagiser » > Traduction personnelle du portugais « aldear ». Ce que veut l’APIB est de faire en sorte que les communautés indigènes de base connaissent leurs droits et soient en mesure de les faire respecter. Comme exemple de « villagisation », il est possible de citer le projet soutenu par le MCI pour le « Renforcement des capacités des multiplicateurs interculturels pour la défense des droits et du territoire Yanomami en Amazonie brésilienne ».

(2) Cocar : coiffe indigène faite essentiellement de plumes.

(3) Voir sur ce blog la note du 21 octobre 2018

(4)Voir sur ce blog la note du 13 mars 2022

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Note du 9 mai 2022

Brésil : L’annonce du viol et de l’assassinat d’une Yanomami de 12 ans par des garimpeiros suscite de nombreuses réactions

Le 25 avril, Júnior Hekurari Yanomami, président du Conseil du District de Santé Indigène Yanomami et Ye’kuana (Condisi YY) a annoncé avoir reçu une information de la communauté d’Arakaçá, dans la région de Waikás, dans la partie de l’État de Roraima de la Terre Indigène Yanomami (TIY) : celle-ci fait état du viol et de l’assassinat d’une jeune Yanomami de 12 ans par des orpailleurs illégaux. Des membres de la Police Fédérale, du Ministère Public Fédéral – MPF, de la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI et du Secrétariat Spécial de Santé Indigène – SESAI se sont rendus sur les lieux les 27 et 28 avril. Ils affirment ne pas avoir trouvé d’indices de pratiques de crimes d’homicide et de viol ou de décès par noyade. Interviewé le 29 avril par l’agence Amazônia Real, Júnior Hekurari dit être allé sur place avec son équipe. Les villageois auraient respecté le rite funèbre des Yanomami en incinérant le corps de la jeune fille, puis ils auraient bouté le feu à leur maison avant d’aller vers un autre lieu de résidence. Quelques habitants revenus rencontrer l’équipe de Júnior ont dit que les garimpeiros leur ont donné de l’or en échange de leur silence…

Cet événement a suscité des réactions. D’abord au sein des organisations indigènes, mais aussi à la Chambre des Députés et au Tribunal Suprême Fédéral- STF. Dans un communiqué de presse du 27 avril, l‘Hutukara Associação Yanomami de Boa Vista (RR), rappelle que « s’il est confirmé, cet acte n’est pas un cas isolé. Malheureusement des épisodes de violence sexuelle contre les enfants, adolescentes et femmes Yanomami pratiqués par des garimpeiros ont déjà été constatés dans d’autres régions ». Le Conseil Indigène de Roraima – CIR demande le retrait immédiat de ces envahisseurs. La Coordination des Organisation Indigènes de l’Amazonie Brésilienne – COIAB s‘est adressée au Ministère Public Fédéral pour que celui-ci ouvre une enquête sur ce cas et, plus généralement, sur l’application de mesures de protection des Yanomami. Le 5 mai, l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB s’est adressée à Luís Barroso, juge au STF lui demandant une série de mesures visant l’évacuation des garimpeiros et l’application d’un plan pour empêcher leur retour.

Lors de la session plénière du STF du 28 avril, La juge Cármen Lúcia, a sollicité l’ouverture d’une enquête rigoureuse sur la mort de la petite Yanomami. Le 5 mai, sur proposition d’Erika Kokay et de Joênia Wapichana, la Chambre des Députés a décidé de créer une Commission pour étudier la violation des droits des Yanomami.

Le Conseil Indigéniste Missionnaire Nord1 – un organe rattaché à la Conférence Nationale des Evêques du Brésil – CNBB – demande, lui aussi, l’adoption de mesures de protection du peuple Yanomami et de son territoire.

Ce 6 mai, face à l’ampleur de la réaction, la Police Fédérale a tenu une Conférence de presse à Boa Vista, la capitale de l’État de Roraima (RR) : elle a fait état de l’évolution de son enquête et de son activité (la destruction de 17’000 litres de combustible). Les recherches continuent, mais sans avoir apporté, jusqu’à maintenant, des indices en rapport avec les crimes dénoncés. Le même jour, la FUNAI a également publié une note rappelant son activité dans cette région.

Pour l’heure, les orpailleurs illégaux sont toujours présents dans la Terre Indigène Yanomami comme ils le sont depuis de nombreuses années !

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Note du 24 mai 2022

Amazonie : un projet de construction d’une ligne électrique met les Waimri-Atroari sous pression

L’État de Roraima, dans le nord du Brésil, est le seul du pays à ne pas être relié au réseau national d’électricité. Le courant est fourni localement par plusieurs centrales à gaz ou diesel. Un projet de construction d’une ligne à haute tension, reliant Manaus à Boa-Vista date de plusieurs années. Une liaison de 715 km qui permettrait le désenclavement du Roraima et d’éviter de fréquentes pannes de courant. Mais la ligne devrait traverser la Terre Indigène (TI) Waimiri-Atroari (WA) sur environ 120 kilomètres. Une TI de 25’860 Km2 homologuée depuis 1989 et cela le long de la route BR-174. La construction de cette route par l’armée – entre 1969 et 1977 – a été l’un des épisodes du contact mortifère des Waimiri-Atroari avec la société brésilienne. Estimés à plusieurs milliers au début du XXe siècle, on n’en comptait plus que 374 en 1988. Heureusement la situation a changé : en 2021* selon Eletronorte les 46 villages WA comptent au total 2’391 habitants. Les WA ont encore subi la réduction de la superficie de leur TI en raison de la construction de l’usine hydroélectrique Balbina sur le rio Uatumã et l’installation d’une entreprise minière. Ce passé difficile ne laisse pas les WA indifférents quand il s’agit maintenant de construire la ligne électrique. Cela nécessite leur accord et suppose l’adoption d’une législation particulière. Ils souhaitent obtenir des compensations pour les dommages environnementaux causés par la construction et la présence de la ligne. Pour cela ils négocient avec Transnorte Energia SA, l’entreprise en charge des travaux. Mais ils craignent l’interférence des pouvoirs publics. Ils sont en effet sous la pression des pouvoirs législatifs et exécutifs. Le 3 mai, le président Bolsonaro a signé un décret autorisant le financement de travaux en Amazonie, dont la construction de cette liaison. De leur côté, le Sénat et la Chambre des Députés discutent un projet de loi autorisant la construction de lignes électriques dans les Terres Indigènes. Á suivre…

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Note du 31 mai 2022

L’indigène brésilienne Sônia Guajajara, l’une des 100 personnes les plus influentes du monde

Chaque année, la revue américaine TIME publie une liste des 100 personnalités les plus influentes du monde. Dans son édition du 23 mai dernier, Volodymyr Zelensky, Xi Jinping, Joe Biden, Vladimir Poutine sont évidemment cités parmi les « Leaders ».

Moins attendue, dans la catégorie « Pionniers », figure Sônia Bone Guajajara, la coordinatrice de l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB connue pour son engagement au sein des organisations indigènes. L’une des premières fois où son nom est apparu dans la presse ce fût lors de la 16e COP qui s’est tenue à Cancún, au Mexique, en 2010. Elle y représentait la Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie Brésilienne – COIAB. Elle avait tenté de remettre une « tronçonneuse d’or » à Katia Abreu, Sénatrice brésilienne et présidente de la Confédération Nationale de l’Agriculture – CNA favorable à une moindre protection des forêts brésiliennes (1). Sônia était à Genève en 2012 où elle a représenté la COIAB au 50ème anniversaire du Mouvement pour la Coopération Internationale – MCI qui a soutenu cette Coordination pendant 17 ans, de 1989 à 2006. Á diverses reprises, elle est revenue au siège européen des Nations Unies pour participer à des rencontres du Conseil des droits de l’homme. En 2018, elle a été candidate à la Vice-présidence de la République du Brésil accompagnant Guilherme Boulos, candidat à la Présidence, et cela sous l’étiquette du Parti Socialisme et Liberté – PSOL. Lors du « Campement Terre Libre » qui s’est tenu à Brasilia en avril dernier (2), en vue des élections législatives et exécutives qui auront lieu en octobre prochain, plusieurs femmes ont annoncé leur intention de se porter candidates pour des sièges à la Chambre des Députés ou dans les Assemblées législatives des États. Sônia y a fait part de sa pré-candidature pour représenter l’État de São Paulo à la Chambre des Députés.

Interviewée par G1 Maranhão au sujet de sa nomination par le Time, Sônia affirme qu’elle se sent heureuse au nom de la communauté qu’elle représente et pour la cause qu’elle défend. « Une valorisation bien significative pour notre lutte des peuples indigènes et ceci est le résultat de plusieurs actions collectives que nous avons organisées au long des années pour la défense de nos droits, des territoires. Je me sens très heureuse, non pour le mérite, mais pour être le porte-parole de cette collectivité…. Nous sommes dans un moment dangereux de notre histoire. Nous avons besoin d’être ensemble avec d’autres segments de la société pour le renforcement de la démocratie et la souveraineté nationale. Ceci va seulement arriver quand nos droits et mode de vie seront respectés par l’État brésilien… »

S’agissant des leaders des populations indigènes, ce sont souvent les hommes qui sont cités (3). Le fait qu’une dirigeante soit distinguée est significatif d’une évolution positive : les femmes sont maintenant nombreuses à s’engager dans le mouvement indigène et à en être des porte-parole. Et Sônia n’est pas seule ! En 2018, pour la première fois dans l’histoire du Brésil, une indigène, Joênia Wapichana a été élue députée fédérale (elle a l’intention de se présenter à nouveau en octobre). Et la jeune génération répond déjà présente : lors de la cérémonie d’ouverture de la COP26, à Glasgow en novembre 2021, un bref temps de parole a été donné à Txai Suruí – jeune indigène brésilienne de 24 ans (4) – pour exprimer le point de vue des peuples indigènes sur le changement climatique…

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(1) Voir sur ce blog, la note du 23 décembre 2010

(2)Voir sur ce blog, la note du 16 avril 2022

(3) Parmi les plus connus, Raoni ou Davi Kopenawa

(4) Voir sur ce blog, la note du 17 novembre 2021

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Note du 19 juin 2022

Amazonie brésilienne : l’assassinat de deux défenseurs des peuples indigènes.

Dom Phillips, un britannique collaborateur de plusieurs journaux anglophones notamment The Guardian et Bruno Araújo Pereira, un indigéniste brésilien, ont été vus vivants pour la dernière fois le matin du dimanche 5 juin à proximité de la cité d’Atalaia do Norte, dans le nord-ouest de l’État d’Amazonas. C’est l’Union des organisations Indigènes de la Vallée du Javari – UNIVAJA qui a signalé leur disparition, donné l’alerte, commencé leur recherche et demandé – par voie de justice – l’intervention rapide des services officiels. Une démarche soutenue par la Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie Brésilienne – COIAB, l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB et l’Observatoire des Droits Humains des Peuples Indigènes Isolés et de Récent Contact – OPI

Ce 18 juin, la Police Fédérale a annoncé que les restes humains retrouvés sur le terrain et analysés à Brasilia appartiennent bien à Dom Phillips et à Bruno Pereira. Les deux hommes sont décédés après avoir essuyé des tirs de fusils de chasse. Ce sont les aveux de deux frères auteurs du double homicide qui ont indiqué aux enquêteurs le lieu où les corps avaient été dissimulés. L’enquête se poursuit…

La notoriété et l’engagement des deux victimes est certainement à l’origine de la vague d’indignation observée au Brésil et à l’étranger par ce double assassinat. Ce grave incident a aussi suscité la polémique au Brésil. Le Président de la République a reproché aux deux hommes d’avoir entrepris une aventure non recommandable. Á diverses reprises, la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI a défendu son action face aux reproches concernant l’insuffisance sa présence dans la région. Récemment, Dom et Bruno ont signé conjointement un dossier « Fondation Anti-indigène – Un portrait de la Funai sous le gouvernement Bolsnaro » publié par l’Institut d’Études Socio-économiques – INESC et l’association Indigénistes Associés – INA (Association des fonctionnaires de la Funai). Le document – qui constitue un testament – se veut aussi un appel aux candidats aux élections d’octobre prochain.

La Vallée du Javari est une immense région isolée où sévissent pêcheurs et chasseurs illégaux. Et, plus récemment, elle est devenue un lieu de passage des trafiquants de cocaïne en provenance du Pérou ou de Colombie. Les actes de violence y sont courants*.

La municipalité d’Atalaia do Norte est occupée à plus de 75% par la Terre Indigène (TI) de la Vallée du Javari d’une superficie 85’444 km2. Elle est habitée par 26 peuples dont 19 en situation d’isolement volontaire. C’est le président Fernando Henrique Cardoso qui en a signé le Décret de démarcation le 30 avril 2001. Cette protection a été obtenue après une vingtaine d’années de pressions, déjà ponctuées de moments de fortes tensions. Dans les années 80, Terre des Hommes Suisse/Genève a soutenu la campagne de démarcation de cette TI dans laquelle était engagé Silvio Cavuscens, l’actuel coordinateur de l’association « Service et Coopération avec le peuple Yanomami – SECOYA, le partenaire de AYA.

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*Voir sur ce blog, la note du 17 septembre 2019

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Note du 31 août 2022

Brésil : en 2021 la violence contre les peuples indigènes a augmenté

Le 17 août, le Conseil Indigéniste Missionnaire – CIMI* a publié son rapport relatif aux violences commises au Brésil contre les peuples indigènes en 2021**. Il a recensé 2’762 situations classées en trois chapitres principaux : I.- Violence contre le patrimoine : 1’294 / II.- Violence contre les personnes : 355 (dont 176 assassinats) / III.- Violence par omission des pouvoirs publics : 221. Il ajoute à cela la mortalité infantile : 744 cas). Et les suicides : 148. En 2020, il avait recensé un total de 2’558 cas et 2’621 en 2019.

L’année dernière, les cas d’invasion de Terres Indigènes, d’exploitation illégale des ressources naturelles et les dommages divers au patrimoine ont encore augmenté : 305 qui ont touché 226 Terres Indigènes dans 22 États. Une progression sensible remarquée déjà ces dernières années : 263 en 2020, 256 en 2019. Cela sous la présidence de Jair Bolsonaro. Mais seulement 96 en 2017 et 109 en 2018 sous la présidence de Michel Temer. Le CIMI rappelle l’estimation selon laquelle il y aurait plus de 20’000 garimpeiros (chercheurs d’or illégaux) dans la TI Yanomami, le climat de violence qu’ils y créent et comment leur présence est vectrice de maladies, de pollution des eaux notamment.

Une annexe de trois pages du rapport est consacrée à la pandémie de la Covid-19 parmi les peuples indigènes en 2021. Le CIMI a eu recours à deux sources. La première concerne les chiffres du Système d’Information sur la Mortalité (SIM) qui prend en compte la totalité de la population indigène du pays au sein de laquelle il a été dénombré 847 décès (972 en 2020). La deuxième est le Secrétariat Spécial de Santé Indigène – SESAI qui ne prend en compte que la population indigène prise en charge par les 34 Districts Sanitaires Spéciaux Indigènes : il y a été dénombré 315 décès dus à la Coronavirus-19 en 2021 (564 en 2020).

Dans une première introduction du rapport, le secrétaire exécutif du CIMI, Antônio Eduardo Cerqueira de Oliveira, rappelle que malgré la progression de la crise qui touche le Brésil, et particulièrement les peuples indigènes, ceux-ci ont donné des signes d’espoir, par exemple en se mobilisant comme cela s’est fait à Brasilia lors de la 18ème édition du « Campement Terre Libre » qui a réuni – en avril 2021- près de huit mille participants venus de tout le Brésil. Et la Deuxième Marche des femmes indigènes qui a eu lieu également à Brasilia, en septembre 2021, où elles étaient plusieurs milliers à manifester contre les violences faites aux femmes. Et de conclure : « Les peuples indigènes sont résilients. Ils ont des exemples de courage et d’incitation à la lutte pour que toute la société brésilienne se lève pour défendre ses droits et la démocratie. »

*Organisme de la Conférence Nationale des Évêques du Brésil – CNBB en charge des questions indigènes.

**Une synthèse a été publiée en français

PS : Pour les années précédentes, voir sur ce blog les notes du 29 novembre 2021, 9 octobre 2020, 17 octobre 2019, 17 novembre 2018, 16 novembre 2017, 4 novembre 2016, 28 septembre 2015, 17 septembre 2014, 2 septembre 2013, 14 septembre 2012, 9 septembre 2011 et 3 août 2010

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 Note du 22 septembre 2022

 Brésil, les élections et les peuples indigènes

Le 2 octobre prochain les citoyens brésiliens sont appelés à élire le Président et le Vice-président de la République, les membres de la Chambre des Députés (513 sièges), un tiers du Sénat (27 sièges à pourvoir), les Gouverneurs et les membres des Assemblées législatives des 26 États de l’Union et du District Fédéral (Brasilia). Un deuxième tour est prévu le 30 octobre. Les médias nationaux et internationaux s’intéressent principalement à l’élection présidentielle. Jair Bolsonaro* est candidat à sa propre succession. Mais pour l’heure, Luiz Inácio Lula da Silva, l’ancien président (entre 2003 et 2011) arrive en tête des sondages…

Au 6 septembre, le Tribunal Supérieur Électoral – TSE avait reçu un total de 29’097 candidatures. Depuis 2014, il demande à chaque candidat de s’auto-déclarer appartenir à l’une ou l’autre de cinq « Couleur ou Race ». Pour ces prochaines élections, le tableau est le suivant : 14’061 se sont déclarés être de race Blanche ; 10’496 Brune (Parda) ; 4’091 Noire ; 185 Indigène (soit 0,63% des candidatures)** ; 115 Jaune. Et 149 n’ont pas donné de réponse.

Pour ces élections, l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a fait connaître ses intentions dans un manifestepublié en février déjà : « Jamais dans l’histoire démocratique de ces 34 dernières années, les droits de nos peuples furent autant vilipendés comme cela l’a été fait par l’actuel gouvernement de Jair Bolsonaro… Nous allons additionner nos forces par des candidatures en lien avec nos bases et aux luttes du mouvement indigène… ». Pour la première fois, elle a lancé une représentation indigène  coordonnée de trente candidatures, dont seize féminines et quatorze masculines. Douze visent un siège à la Chambre des Députés et dix-huit postulent pour siéger dans les Assemblées législatives des États.

Aux dernières élections de 2018 deux candidatures féminines s’étaient distinguées. Joênia Wapichana a été, dans l’histoire du Brésil, la première femme indigène élue à la Chambre des Députés. Elle est à nouveau candidate pour y représenter l’État de Roraima. Et Sônia Guajajara, avait été candidate à la Vice-présidence du pays. Elle n’avait recueilli « que » 617’115 voix, soit 0,58% des suffrages. Cette année elle se présente à nouveau, mais comme députée de l’État de São Paulo à la Chambre des Députés. En mai dernier elle a été classée parmi les 100 personnalités les plus influentes du monde par la revue américaine Time.***

Ces élections se déroulent dans un climat de crises économique et environnementale notamment. La violence à l’égard des peuples indigènes est aussi une triste réalité !

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*Bruno Meyerfeld, le correspondant au Brésil du quotidien français « Le Monde » vient de publier aux Éditions Grasset/Paris un ouvrage intitulé « Cauchemar brésilien » consacré à Jair Bolsonaro. ISBN 978-2-246-82871-6

**En 2018,131 candidats s’étaient déclarés « Indigène ». Voir sur ce blog la note du 4 octobre 2018

***Voir sur ce blog, la note du 31 mai 2022

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AYA – Appui aux indiens Yanomami d’Amazonie

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CCP 15-728614-8 / IBAN CH 26 0900 0000 1572 8614 8

 

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