Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du Brésil AYA Info – No 143 Genève, le 6 mars 2023

« AYA Info » est en ligne sur trois sites Internet : Humanitaire.ws et MCI et AYA-infoƒ

 AVIS : La « Tribune de Genève » a fermé sa plateforme de blog au 31 décembre 2022. Il n’est donc plus possible d’y consulter les notes, ce que nous regrettons.

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La « Posse » de Lula le 1er janvier 2023

Élu pour la troisième fois président du Brésil le 30 octobre 2022, Luiz Inácio Lula da Silva – Lula, a pris ses fonctions le 1er janvier 2023 à Brasilia. Le temps fort de la journée a été sa montée sur la rampe accédant au Planalto, le palais présidentiel. Il était accompagné de huit personnes représentant la société brésilienne dont le leader indigène Raoni Mektutire. L’écharpe de président lui a été est remise par Aline Sousa, représentante de la Commission Nationale des collecteurs de déchets recyclables. La tradition aurait voulu que cette écharpe lui soit passée par le président sortant, Jair Bolsonaro. Mais ce dernier est parti aux USA, en Floride, le 30 décembre !

L’entrée en fonction de Lula a été journée de fête. Un « Festival du Futur » réunissant une soixantaine d’artistes, se produisant devant une foule nombreuse, a commencé dès 10h le matin, avec une pause pendant la cérémonie officielle, et s’est poursuivi jusque dans la soirée.

Beaucoup moins spectaculaires sont les nombreux décrets présidentiels publiés au Journal Officiel de l’Union dans les éditions « spéciale » et « extra » du 1er et du 2 janvier. Ces textes concernent la révocation de Décrets du président sortant et la nouvelle organisation de l’État.

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 La création du Ministère des Peuples indigènes

L’un de ces Décrets (édition spéciale Décret n° 11.355) concerne la création du Ministère des Peuples Indigènes, notamment son rôle et sa structure. Dans son Annexe 1, l’article 1er définit les compétences du Ministère : la politique indigéniste; la reconnaissance, la garantie et la promotion des droit des peuples indigènes; la reconnaissance, la démarcation, la défense, l’usufruit exclusif et la gestion des terres et des territoires indigènes; le bien vivre des peuples indigènes; la protection des peuples indigènes isolés et de récent contact; les accords et traités internationaux, spécialement la Convention n° 169 de l’Organisation Internationale du Travail (Convention approuvée par le Congrèsbrésilien en 2002 et promulguée par Lula le 19 avril 2004).

La création d’un tel Ministère est une première dans l’histoire du Brésil. Elle avait été évoquée par Lula quand il a visité le « Campement Terre Libre » organisé à Brasilia en avril 2022 par l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil (APIB). Le 13 octobre 2022, après le 1er tour des élections, l’APIB a appelé les peuples indigènes à voter pour Lula au 2ème tour de l’élection présidentielle du 30 octobre.

Pour diriger le Ministère, Lula a fait appel à la militante indigène Sônia Bone de Sousa Silva Santos, plus connue sous le nom de Sônia Guajajara. Sônia est originaire de la Terre Indigène Araribóia située dans l’État du Maranhão. Elle a une formation dans les domaines de la santé et de l’éducation. Elle s’est engagée dans le mouvement indigène. Alors qu’elle était une dirigeante de la Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie Brésilienne – COIAB, elle était venue à Genève en 2012 pour participer au 50e anniversaire du Mouvement pour la Coopération Internationale – MCI. Plus tard, elle a aussi été coordinatrice exécutive de l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB. En 2018, sous l’étiquette du parti Socialisme et Liberté – PSOL, Sônia a brigué la Vice-Présidence de la République aux côtés de Guilherme Boulos qui, lui, visait la Présidence. Aux élections d’octobre 2022, toujours pour le PSOL, Sônia a gagné son élection à la Chambre des Députés pour y représenter l’État de São Paulo. Devenue ministre, c’est maintenant son suppléant, Ivan Valente qui occupera son siège.

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La FUNAI change de nom. Elle est maintenant présidée par une indigène

Autre changement institutionnel du gouvernement 3 de Lula concernant la protection des indigènes du pays : la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI change de nom tout en gardant le même sigle. Elle s’appelle maintenant « Fondation Nationale des Peuples Indigènes » cela pour mieux refléter leur grande diversité, culturelle, notamment.

Autre innovation : la FUNAI est placée sous la présidence de l’avocate indigène Joênia Batista de Carvalho, appelée plus simplement Joênia Wapichana (le nom de son ethnie d’origine dans l’État de Roraima). C’est la première fois depuis sa création (en 1967), que l’entité est placée sous l’autorité d’une indigène. Joênia est une pionnière. Elle a été la première avocate indigène du Brésil. Elle s’est engagée au sein du département juridique du Conseil Indigène de Roraima – CIR. En 2008 elle a défendu la démarcation de la Terre Indigène Raposa Serra do Sol devant le Tribunal Suprême Fédéral. C’était la première fois dans l’histoire de la Cour qu’un-e indigène s’y exprimait oralement. En 2013, elle a été la première présidente de la Commission Nationale des Droits de Peuples Indigènes de l’Ordre des Avocats du Brésil (OAB). En 2018, sous l’étiquette du parti Rede Sustentabilidade (REDE), elle a été élue à la Chambre des Députés où elle représente l’État de Roraima. Dans l’histoire du Brésil, elle est la première femme indigène à occuper un tel poste. Á la Chambre elle a été la coordinatrice du Front Parlementaire Mixte de Défense des Droits des Peuples Indigènes. Elle n’a pas été réélue pour la 57e législature en octobre 2022. Au cours de la cérémonie d’entrée en fonction, le 3 février dernier, elle signé plusieurs textes relatifs à la reprise d’activité, ou la constitution, des groupes de travail en vue de la démarcation de Terres Indigènes.

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Brasilia, le 8 janvier 2023 : manifestations contre le Palais présidentiel, le Parlement et la Cour Suprême

Les médias ont largement fait état – et commenté – la mise à sac, le dimanche 8 janvier à Brasilia, du Palais présidentiel, du Parlement et du Tribunal Suprême Fédéral (STJ) par des milliers d’opposants à Lula. Le président était alors en déplacement pour apporter l’appui du gouvernement à le ville d’Araraquara, une cité de l’État de São Paulo ravagée par des pluies désastreuses. Lula a décrété l’intervention fédérale pour assurer la sécurité publique dans la capitale. Le Ministre de la Justice a annoncé l’arrestation de 1’500 personnes… Les lecteurs de cette note sont invités à suivre l’évolution de la situation dans leurs médias !

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Les autorités se préoccupent de la situation des Yanomami

La présence de nombreux garimpeiros* – leur nombre est estimé à 20’000 – dans la Terre Indigène Yanomami – TIY (surtout dans sa partie Nord, dans l’État de Roraima) a de graves conséquences pour les communautés indigènes. Un état permanent de violences diverses : viols, pollution des eaux par le mercure, malaria, sous-nutrition, etc. La situation est dénoncée depuis longtemps sans effets majeurs. Mais avec la nouvelle administration gouvernementale, en particulier le nouveau Ministère des Peuples Indigènes et la nouvelle direction de la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI (voir ci-dessus) des dispositions sont prises pour mettre un terme à l’orpaillage illégal et améliorer le dispositif sanitaire dans les communautés. Le 9 janvier dernier, avant même son entrée en fonctions à la tête de la FUNAI, Joênia Wapichana a annoncé que l’une de ses priorités serait le retrait des garimpeiros de la TIY.

Les médias ont été sensibilisés à la situation des Yanomami quand le Président Lula s’est rendu le 21 janvier, à Boa Vista, la capitale de l’État de Roraima. Il a visité la Maison de Santé Indigène Yanomami. Il était accompagné de plusieurs ministres et autres représentants de l’État. La veille, il avait décrété la création d’un Comité national de coordination pour répondre à la crise sanitaire. Le même jour, la Ministre de la Santé, Nísia Trindade Lima, a publié un Arrêté créant un « Centre d’Opérations d’Urgences en Santé Publique Yanomami. » Le 30 janvier, le Président Lula a réquisitionnéplusieurs administrations publiques et militaires pour la mise en œuvre de mesures d’urgence pour résoudre la crise et la sortie des garimpeiros. Un Arrêté conjoint la FUNAI et le Secrétariat Spécial de Santé Indigène – SESAI ont précisé les conditions d’accès à la TIY.

Le 29 janvier, la chaîne de télévision Globo, dans son émission « Fantástico », a diffusé un reportage sur la tragédie humanitaire vécue par les Yanomami.

Le Ministère de la Santé publie régulièrement des informations relatives à cette « Mission Yanomami » et au Centre d’Opérations Spéciales – COE. La FUNAI également informe sur son action. De la nourriture, de médicaments ont été distribués dans les xapono (villages).  De nombreuses consultations médicales ont été réalisées. Les forces armées ont contribué à ces actions de secours parfois singulières, comme le transport, par un hélicoptère de la Marine, d’un groupe électrogène de Boa Vista à Surucucu (env. 330 km).

L’orpaillage illégal a aussi ses soutiens. Parmi ceux-ci les trois sénateurs de l’État de Roraima. Le 7 février, ils ont proposé la création d’une « Commission Temporaire Externe » pour « suivre la situation des Yanomami et le retrait pacifique et urgent des garimpeiros de cette région ». Le 17 février, le Conseil Indigène de Roraima – CIR a protestécontre la désignation du Sénateur Chico Rodrigues à la présidence de cette Commission. Le même jour, dans une note, l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB qualifie « d’immorale, incohérente et absurde » cette nomination !

Selon plusieurs médias, les garimpeiros commencent à évacuer la TIY. Leur destination inquiète…

*Orpailleurs illégaux

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PS : L’activation des liens hypertextes (en bleu) renvoie à une partie des sources utilisées pour la rédaction de cette note. Ces sources, souvent en portugais, permettent d’en « savoir plus ».

 

AYA – Appui aux indiens Yanomami d’Amazonie

13, Rue des Bossons – CH – 1213 Onex / Genève –

CCP 15-728614-8 / IBAN CH 26 0900 0000 1572 8614 8

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