Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du Brésil AYA Info – No 145 Genève, le 29 septembre 2023

« AYA Info » est en ligne sur trois sites Internet : Humanitaire.ws et MCI et AYA-info

 L’appui genevois aux Yanomami

Au début de l’année la situation des Yanomami a préoccupé les nouvelles autorités brésiliennes. Nous l’avons annoncé dans un précédent bulletin. Les lignes qui suivent veulent rappeler comment, à Genève, un appui a été apporté aux communauté Yanomami de l’État d’Amazonas.

Voilà plus de quinze ans que notre modeste association « Appui aux indiens Yanomami d’Amazonie – AYA » apporte un soutien aux communautés Yanomami vivant dans l’État d’Amazonas au nord du Brésil. Elle le fait par l’intermédiaire du « Service et Coopération avec le peuple Yanomami – SECOYA », dont le siège est à Manaus et qui a commencé son activité en 1991. Depuis sa fondation en 2007, AYA a sollicité et obtenu des financements des communes genevoises de Bernex, Lancy, Meyrin, Onex, Plan-les-Ouates et la Ville de Genève. Il s’agit surtout de projets liés à la santé, comme par exemple, la construction de centres de santé, l’accès à l’eau potable, la formation de sages-femmes traditionnelles, d’Agents indigènes de santé (AIS) et d’Agents indigènes d’assainissement (AISAN).

Depuis 2017, une autre ONG genevoise, le Mouvement pour la Coopération Internationale (MCI), collabore également avec SECOYA. Il s’agit d’un projet visant à « Construire l’avenir en consolidant la gouvernance et la gestion territoriale Yanomami ».  Le MCI obtient le financement de ses projets par l’intermédiaire de la Fédération Genevoise de Coopération – FGC. Il a aussi reçu l’appui du « Fonds mécénat » des Services Industriels de Genève. Un collégien, avec un groupe d’amis, a organisé trois friperies dont le bénéfice a été versé au MCI pour les projets Yanomami.

Terre de Hommes Suisse – TdH, dont le siège est à Genève, a été le premier partenaire – et pendant une vingtaine d’années – à soutenir SECOYA pour ses programmes d’éducation. En octobre 2014 TdH a organisé sa traditionnelle « Marche de l’Espoir » en faveur des Yanomami à laquelle se sont inscrit-e-s environ 4’500 participants. En vue de cet événement, TdH a conduit une action de sensibilisation dans les écoles de Genève et de France voisine pour laquelle elle a élaboré un dossier explicatif. Elle estime avoir touché environ 28’000 élèves. Pour la « Marche » elle-même, qui se déroule sur la rive droite du lac, chaque enfant (ou participant) cherche à l’avance des marraines et des parrains qui lui promettent un montant pour chaque kilomètre parcouru. A l’issue de la Marche, l’argent est récolté et versé à Terre des Hommes. Il s’agit – là d’une action faisant connaître la réalité Yanomami au grand public…

A la fin du mois de juin dernier, un étudiant en géographie de l’Université de Lausanne, Nicolas Sitbon, a soutenu un mémoire sur « L’organisation politique des peuples indigènes en Amazonie brésilienne : le cas du peuple Yanomami dans le rio Marauiá ». L’étude porte sur l’impact des divergences entre l’organisation de la société yanomami et le modèle d’organisations imposé par la société dominante, celle des « blancs ». Un travail très intéressant !

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La Ville de Genève célèbre un siècle de liens avec les autochtones

Voilà un siècle, en 1923, l’Iroquois Deskaheh, chef du peuple Haudenosaunee installé de part et d’autre de la frontière entre les États Unis et le Canada était à Genève pour tenter de défendre les droits de son peuple devant la Société des Nations – SDN qui ne l’a pas reçu. Mais le Maire de Genève de l’époque l’a invité à prononcer, dans une salle publique, l’allocution qu’il avait préparée pour l’assemblée de la SDN. Deskaheh est considéré comme étant le premier autochtone à avoir soulevé, au niveau international, la perte d’autonomie et la dépossession des Premières Nations par les États colonisateurs. Son nom est devenu le symbole de la détermination des Peuples autochtones à faire reconnaître leur existence et leurs droits.

La Ville de Genève a marqué cet anniversaire de diverses manières. En février 2023, le Musée d’Ethnographie a restitué deux objets sacrés appartenant aux Haudenausonee. Il y a eu également une cérémonie au cours de laquelle un « Arbre de la Paix » a été planté au Parc des Bastions au centre de la ville. En juillet, le pont du Mont-Blanc a été pavoisé avec le drapeau Haudenosaunee à côté des drapeaux suisse et genevois. Une exposition de photos a été installée sur le quai Wilson. Exposition inaugurée le 18 juillet, avec de nombreux les représentants des peuples autochtones réunis au Palais des Nations pour la 16e session du Mécanisme d’Experts sur les Droits des Peuples Autochtones (17 – 21 juillet 2023). Pour cette inauguration une « Marche des Peuples Autochtones » est partie de la Place des Nations pour rejoindre le quai Wilson. Cette « marche » est une initiative du Centre de documentation, de recherche et d’information des peuples autochtones – Docip. Une manifestation au cours de laquelle M. Alfonso Gomez, maire de la Ville de Genève, Steve Jacob, représentant de l’Haudenosaunee Confederacy et Pierrette Birraux représentante du Docip ont pris la parole. Pour le maire de la Ville (communiqué de presse du 18 juillet 2023) «… le soutien aux peuples autochtones s’inscrit dans l’engagement de la Ville de Genève en faveur des droits humains et de l’autodétermination des peuples. Alors qu’ont débuté ce lundi les sessions du Mécanisme d’experts sur les droits des peuples autochtones, nous espérons vivement que leurs revendications légitimes, notamment en matière territoriales, de préservation de leur culture et de protections de l’environnement, puissent aboutir. » Pour Steve Jacob « … cette exposition retrace les liens forts entre les Haudenisaunee et la Ville de Genève et met en avant les luttes et les acquis des Haudenisaunee ainsi que la persévérance pour obtenir et maintenir nos droits en tant que Nations. Nous n’abandonnerons pas ce combat pour les générations à venir. »

De son côté, Pierrette Birraux a souligné que le Docip, « Créé (en 1978) à la demande des délégations autochtones, n’a cessé, dès lors, de leur apporter les services qu’elles demandaient. Nous faisons toujours ce que vous souhaitez que nous fassions et non pas ce nous souhaitons faire nous-mêmes, à savoir des services de documentation, de secrétariat, de traduction, d’interprétation, d’information, puis de formation et de soutien juridique, pendant et entre les conférences dédiées aux droits des Peuples Autochtones.»

L’anniversaire célébré par la Ville de Genève n’est pas que le rappel d’une manifestation ancienne et sans suite. La municipalité inscrit régulièrement une rubrique « Coopération au développement » dans son budget annuel. AYA a bénéficié, et bénéficie encore, de l’appui de la Ville, voir ci-dessus.

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Brésil, la violence contre les peuples indigènes s‘est intensifiée en 2022

Le 26 juillet, le Conseil Indigéniste Missionnaire – CIMI* a présenté son rapport annuel** consacré à la violence contre les peuples indigènes en 2022 : « En 2022, l’intensification de la violence contre les peuples indigènes reflète un cycle de violations systématiques et d’attaques des droits. Le rapport retrace la violence contre les peuples indigènes et présente le bilan du gouvernement Bolsonaro, marqué par des violations et le démantèlement des organes de protection et d’assistance. ».

Dans son rapport, le CIMI classe la violence en trois chapitres : violence contre le patrimoine : 1’334 cas (1’294 en 2021) ; violence contre la personne : 416 cas (355 en 2021) et violence par omission du pouvoir public : 243 cas (221 en 2021). Un total de 1’993 cas en 2022 contre 1’870 en 2021. Une augmentation de 6,57 %.

Est particulièrement significative la comparaison du nombre total de cas de ces trois chapitres observés pendant les quatre années – de 2015 à 2018 – des gouvernements de Dilma Rousseff et Michel Temer : 4’666 cas, avec les 7’198 cas observés de 2019 à 2022 pendant les quatre années du gouvernement Bolsonaro. Il s’agit d’un supplément de 2’532 cas (+ 54,26 %).

Dans la présentation du rapport, le président du CIMI, Dom Roque Paloschi, rappelle la cruauté de l’invasion des garimpeiros dans le territoire Yanomami : « L’or aveugle la raison… ». Un article entier (p. 23 à 32) rappelle la violence subie par les Yanomami depuis leurs premiers contacts avec la société des « Blancs ».

Le CIMI a publié une synthèse du rapport en français.

*Organisme rattaché à la Conférence Nationale des Évêques du Brésil – CNBB

**Pour accéder aux éditions antérieures (depuis 2006) cliquer > ICI

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Une nouvelle photo de la Population Indigène brésilienne 

Le 7 août, l’Institut Brésilien de Géographie et de Statistique – IBGE a publié les résultats de la partie du recensement 2022 concernant les indigènes : ils sont 1’693’535 parmi les 203’062’512 habitants du pays. Soit 0,83 % de la population. Lors du précédent recensement de 2010, le Brésil comptait 817’900 indigènes au sein des 190’755’800 résidents du pays, soit 0,43 % de la population. La part des indigènes a augmenté, mais cette progression peut être expliquée également par des innovations technologiques et méthodologiques dit l’IBGE.

Un peu plus de la moitié des indigènes (868’802 ou 51,3%) ont été dénombrés dans les neuf États de l’Amazonie légale, soit les États d’Acre, Amapá, Amazonas, Maranhão, Mato Grosso, Pará, Rondônia, Roraima et Tocantins.

Quatre Municipalités se distinguent pour avoir plus de 90% d’indigènes parmi leur population : Uiramutã dans l’État de Roraima : 13’283 indigènes parmi les 13’751 résidents (96,60 %). Et, dans l’État d’Amazonas, les communes de Santa Isabel do Rio Negro, 13’622 indigènes parmi les 14’164 résidents (96,17%); São Gabriel da Cachoeira, 48’256 indigènes parmi les 51’795 résidents (93,17%) et Amaturá, 9’948 indigènes parmi les 10’819 résidents (91,95%).

Dans le document, l’IBGE explique en détail la préparation et la réalisation du recensement dans la Terre Indigène Yanomami – TI-Y qui comporte plusieurs zones d’accès difficile. L’Institut a demandé l’appui logistique – avions et hélicoptères – de la police et de l’armée.

La TI-Y a une superficie de 96’649,75 km2, soit plus de deux fois la Suisse (41’285 km2). Elle s’étend sur les États de Roraima (à 60 %) et d’Amazonas (pour 40%). Il y a été dénombré 27’152 indigènes (25’719 en 2010), soit une augmentation de 1’433 personnes (+ 5,6 %). L’Institut a dénombré 16’872 indigènes dans les communautés du Roraima (11’598 en 2010) et 10’280 dans celles de l’Amazonas (14’121 en 2010).

Pour rappel (voir ci-dessus), les projets d’AYA et du MCI sont développés en partenariat avec la SECOYA de Manaus. Ils sont mis en œuvre depuis plusieurs années en collaboration avec l’association Kurikama regroupant les communautés indigènes installées sur les rives du rio Marauiá et, plus récemment, avec celles de l’association Parawami occupant les rives du rio Demini, deux rios de l’État d’Amazonas.

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Un « Sommet de l’Amazonie »

Les 9 et 8 août à Belém, la capitale de l’État du Pará, le Président brésilien Luiz Inácio Lula da Silva, a organisé une rencontre des chefs d’États des pays membres de l’Organisation du Traité de Coopération Amazonienne* – OTCA. D’autres chefs d’État étaient également présents. Une déclaration en 113 points a été signée en conclusion de la réunion. Elle porte sur les aspects institutionnels, mais aussi sur le changement climatique, la sécurité alimentaire, la protection sociale, les droits humains, etc.

Avant la rencontre des chefs d’États, la Présidence de la République a organisé les 4, 5 et 6 août des « Dialogues Amazôniens » permettant à la société civile d’exprimer ses propositions pour la protection de l’Amazonie et de sa population. Propositions à être présentées lors de la COP-30 qui se réunira à Belém en 2025. Six rapports ont été adoptés. Ils portent sur la participation de la société civile pour la protection des territoires ; la santé, la souveraineté et sécurité alimentaire ; le futur de l’Amazonie ; la gestion soutenable et les nouveaux modèles de production ; les peuples indigènes des Amazonies; les Amazonies Noires, le racisme, les peuples et communautés traditionnelles. Un vaste programme !

Le 7 août, à l’occasion de la réunion de l’OTCA, une « Assemblée des Peuples de la Terre pour l’Amazonie » a réuni des milliers de personnes et leaders de mouvements populaires. Une « Lettre des peuples de la Terre pour l’Amazonie » a été rédigée et publiée à destination des chefs d’États présents au Sommet. Parmi les 29 revendications, il est demandé de prendre des mesures pour éviter le « point de non-retour » de l’Amazonie en adoptant un plan de lutte contre la déforestation.

Toujours à l’occasion du sommet, sous l’impulsion de la Coordination des Organisation Indigènes de l’Amazonie Brésilienne – COIAB, les représentants d’organisations indigènes des six pays amazoniens ont rédigé une lettre à l’attention des présidents présents à Belém pour qu’ils portent leurs revendications à la Conférence des Nations Unies sur le changement climatique (COP 28) qui doit se tenir à Dubaï dès le 30 novembre prochain. La conclusion de la lettre résume les dix-huit paragraphes du message : « Le droit à la vie et aux territoires indigènes doivent être définitivement assurés ! »

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La Cour suprême brésilienne rejette la thèse du « Repère temporel », mais…

Le 21 septembre, le Tribunal Suprême Fédéral – STF a rejeté par 9 voix contre 2 la thèse du « Repère temporel » pour la démarcation des terres indigènes. Les tenants de la thèse prétendent que seules les Terres Indigènes occupées le 5 octobre 1988, jour de l’adoption de l’actuelle Constitution – date repère – peuvent faire l’objet d’une démarcation (d’une protection). Cette thèse est surtout soutenue par les partisans de l’agrobusiness et combattue par les organisations indigènes et indigénistes qui ont maintes fois manifesté leur hostilité. L’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a exprimé sa satisfaction.

Cependant, en réponse à cette décision du STF, un sénateur de l’État de Roraima, Hiran Manuel Gonçalves da Silva, a proposé un ajout de quelques mots à la fin du § 1 de l’art. 231 de la Constitution pour préciser que les indiens devaient occuper cette terre à la date du 5 octobre 1988. Cette proposition d’amendement constitutionnel a déjà été signée par 27 Sénatrices et Sénateurs. Dernière minute : le 27 septembre, le Sénat, par 43 voix contre 21 a adopté le projet de loifavorable à la thèse du repère temporel. L’APIB demande à Lula d’opposer son veto à cette loi. Un dossier* toujours à suivre…

*Voir AYA Info No 144 du 02/07/2023, AYA Info No 138 du 31/08/2021, AYA Info No 118 du 31/08/2017

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PS : L’activation des liens hypertextes (en brun) renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais. / Bernard Comoli

 

AYA – Appui aux Indiens Yanomami d’Amazonie

13, Rue des Bossons – CH – 1213 Onex / Genève

CCP 15-728614-8 / IBAN CH 26 0900 0000 1572 8614 8

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