DSEI-Y, les Yanomami obtiennent un changement à la tête du Service / Flambée de violence anti-indigène à Humaitá / Enfin, le gouvernement évacue les envahisseurs de la Terre Indigène Awá-Guajá.
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DSEI-Y, les Yanomami obtiennent un changement à la tête du Service
Le 3 janvier, le Ministre de la santé, Alexandre Padilha* a mis un terme à l\’activité de Joana Claudete Schuertz, la Coordinatrice du District Sanitaire Spécial Indigène Yanomami – DSEI-Y**. Cette mise à l\’écart répond partiellement à une pétition du 2 octobre 2013, signée par Davi Kopenawa et 70 représentants des communautés Yanomami, essentiellement de l\’État de Roraima. Ils demandent également la démission du Conseiller de planification du DSEI-Y, Antônio Gonçalves. Deux jours plus tard, le 4 octobre, l\’Hutukara Associação Yanomami – HAY reprend cette demande. Elle fait état d\’indices de liens et d\’influence d\’un politicien local et des gestionnaires du DSEI-Y visant au maintien de la Mission Évangélique Caiuá*** comme sous-traitante pour le service de santé dans l\’aire indigène Yanomami. L\’HAY dénonce les dysfonctionnements du service de santé dans les communautés, le manque de médicaments et le mauvais état des infrastructures. Elle met en question le fait que le service de santé ne s\’est pas amélioré malgré une augmentation du budget. En cette fin d\’année 2013, le ministère de la santé doit publier un appel d\’offre en vue de sélectionner les entités auxquelles il sous-traitera le service de santé dans les communautés indigènes. L\’appel de candidatures a effectivement été publié le 18 octobre au Journal Officiel de l\’Union. Au terme de la procédure, c\’est à nouveau la Mission Évangélique Caiuá qui aura en charge le service de santé dans l\’aire indigène Yanomami. Le Conseil indigéniste missionnaire – CIMI signale que cette sélection s\’est faite sans la consultation des indigènes.
Le 30 décembre 2013, de nombreux Yanomami ont occupé le siège du Secrétariat Spécial de Santé Indigène – SESAI de Boa Vista, la capitale de l\’État de Roraima. Ils demandaient le départ de la coordinatrice. Le 3 janvier, après plusieurs heures de réunion avec les représentants du ministère de la santé, ils obtiennent gain de cause : la coordinatrice doit quitter sa fonction. Elle avait été nommée à ce poste en juin 2011 avec l\’assentiment des leaders Yanomami. À l\’époque, ils redoutaient déjà la nomination d\’une personne sous influence de politiciens locaux hostiles aux indigènes.
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* Alexandre Padilha a quitté ses fonctions pour se présenter aux élections qui auront lieu les 5 et 26 octobre prochains. Il vise le poste de gouverneur de l\’État de São Paulo. Le 31 janvier, Dilma Rousseff a nommé Arthur Chioro au poste de Ministre de la santé. Jusque-là, il était Secrétaire municipal de la Santé de São Bernardo do Campo, une commune de l\’État de São Paulo,
** Le DSEI-Y couvre également les communautés Yanomami de l\’État d\’Amazonas où intervient notre partenaire, le Service et Coopération avec le peuple Yanomami – SECOYA.
*** La Mission Évangélique Caiuá a son siège à Dourados, dans le Mato Grosso do Sul. Elle est rattachée à l\’Église presbytérienne du Brésil. Selon l\’ONG « Contas Abertas« , c\’est l\’une des Organisations de la Société Civile d\’Intérêt Public – OSCIP qui reçoit le plus de subventions de l\’État fédéral pour ses conventions de sous-traitance. Ces deux dernières années 2012 et 2013, ses diverses conventions – elle est présente dans près d\’une vingtaine de DSEI – ont totalisé un montant supérieur à 200 millions de Réais (soit un peu plus de 61 millions d\’Euros ou près de 75 millions de Francs suisses).
Flambée de violence anti-indigène à Humaitá
Dans l\’après-midi du 25 décembre dernier, environ 3\’000 personnes étaient dans les rues d\’Humaitá, une localité située à plus de 600 km au sud de Manaus, dans l\’État d\’Amazonas, pour une manifestation anti-indigènes. Les manifestants ont bouté le feu aux sièges locaux de la Fondation Nationale de l\’Indien – FUNAI, de la Fondation Nationale de la Santé – FUNASA et à la Maison de santé indigène. Ils ont également incendié des véhicules. Le poste de péage* installé par les Tenharim sur le bord de la BR-230 – la « Transamazonienne » qui traverse la Terre Indigène (TI) Thenharim Marmelos – a également été détruit. Pendant quelques jours, environ 140 indigènes ont trouvé refuge auprès du 54e Bataillon d\’Infanterie de Forêt.
En cause, la disparition, depuis le 16 décembre de trois hommes, des non-indiens, qui auraient été vus pour la dernière fois au kilomètre 85 de la BR-230. Les manifestants tiennent les indiens Tenharim pour responsables de cette triple disparition. Cet acte aurait été accompli pour venger la mort du cacique Ivan Tenharim, retrouvé inconscient près de sa moto, le 2 décembre, sur le bord de la même BR-230, et décédé le lendemain. Les circonstances de l\’accident n\’ont pas encore été éclaircies. Selon le Conseil Indigéniste Missionnaire – CIMI, le cacique était un infatigable opposant au pillage pratiqué par les madeireiros dans la TI. Tenharim. En collaboration avec des organes publics, il aurait contribué à la fermeture de plusieurs scieries illégales dans la région. Le coordinateur régional de la FUNAI a été démis de ses fonctions. Il lui est reproché d\’avoir contesté publiquement la thèse de l\’accident à l\’origine du décès d\’Ivan Tenharim. Un collectif d\’universitaires qui ont eu l\’occasion de collaborer avec lui a publié une note de soutien à son endroit. Ils expliquent que ce fonctionnaire fait office de bouc émissaire dans une situation depuis longtemps conflictuelle. L\’intéressé déclare avoir simplement demandé une enquête sur les circonstances le l\’accident concernant Ivan Tenharim.
Le 30 janvier, la police fédérale a arrêté cinq indiens Tenharim qu\’elle suspecte d\’être impliqués dans la disparition des trois hommes le 16 décembre. Leur défense est assurée par la DPU, un service d\’assistance juridique public qui va demander leur mise en liberté. Le 3 février, la police a trouvé les trois corps qui ont été identifiés comme étant ceux des disparus. Leur sépulture a eu lieu le 6 février.
Le climat de tension reste vif dans cette région. Le Ministère Public Fédéral a demandé aux organes concernés de protéger les villages indigènes, d\’en assurer l\’approvisionnement et de prendre des mesures pour permettre aux étudiants Tenharim de poursuivre leurs études. Il demande également au gouvernement fédéral et à la FUNAI de verser une indemnisation au peuple Tenharim.
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* Dans une note du 30 décembre la FUNAI explique que « Depuis la construction de la Transamazonienne en 1972, il n\’a jamais été créé d\’alternatives pour minimiser les impacts occasionnés par la construction de cet axe routier qui traverse la TI. Les indigènes, de leur propre initiative, ont eu recours à un péage dont le produit bénéficie aux Tenharim ». La Fondation rappelle qu\’elle est à la recherche d\’une autre solution permettant aux indigènes de subvenir à leurs besoins. Le péage, dont les autorités soulignent le caractère illégal, est l\’une des sources de conflits avec les non indiens de la région.
Enfin, le gouvernement évacue les envahisseurs de la Terre Indigène Awá-Guajá
En ce début 2014, le gouvernement a commencé les opérations d\’évacuation des non indiens présents sur la Terre Indigène (TI) des Awá – Guajá. Une TI de 1\’165 km2 située dans l\’État du Maranhão envahie par des fazendeiros et des madeireiros (exploitants forestiers). Ces derniers sont responsables d\’une importante déforestation mettant en danger l\’existence même du peuple Awá – Guajá composé de quelques centaines de personnes, en partie de contact récent et, en partie, encore isolé de la société environnante. Cette TI a été déclarée d\’occupation permanente par les Awá – Guajá en 1992 déjà. Le décret d\’homologation (phase finale de la démarcation) a été signé par Lula en 2005. Ce décret a été contesté devant la justice. Cette dernière a reconnu la validité du décret présidentiel en mars 2012 et, en décembre 2013, elle a ordonné l\’évacuation des envahisseurs. L\’opération d\’évacuation est coordonnée par le Secrétariat de la Présidence de la République en partenariat avec les forces de l\’ordre et divers organes gouvernementaux dont la Fondation nationale de l\’Indien – FUNAI. Après avoir reçu leur notification d\’évacuation, les personnes concernées ont un délai de 40 jours pour quitter volontairement les lieux. Au début décembre 2013, l\’Institut National de Colonisation et de Réforme Agraire – INCRA a fait connaître son intention d\’acheter des terres pour y installer les agriculteurs évacués remplissant les conditions pour bénéficier de la réforme agraire.
La pression exercée depuis plusieurs années par les organisations indigènes et indigénistes au Brésil et au niveau international, notamment par Survival international, a certainement contribué à cette décision gouvernementale. Selon des informations publiée à mi-janvier 2014, des madeireiros agissant précédemment dans la TI Awá-Guajá vont continuer leur activité dans une TI voisine, celle de Alto Turiaçu, occupée par le peuple indigène Ka\’apor. L\’association indigène Kaaportarupi fait état de violences exercées par des madeireiros à l\’égard de jeunes et de leaders de la communauté.
Un excellent documentaire – Indiens d\’Amazonie, le dernier combat – réalisé par Laurent Richard en étroite collaboration avec Survival a été mis en ligne sur YouTube (52 mn) après avoir été diffusé par France 5 le 7 janvier dernier. Le film montre le quotidien des Awá – Guajá et leur cadre de vie. Il analyse aussi l\’importance du trafic de bois extrait de la forêt amazonienne. Il donne la parole aux principaux protagonistes de l\’évacuation des non-indiens.
Bernard Comoli
Important : L\’activation des liens hypertextes renvoie aux sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Elles sont souvent en portugais, sauf quand il s\’agit d\’anciens « AYA Info ».
PS : Ces brèves sont souvent reprises, détaillées et parfois illustrées, dans un blog du quotidien « La Tribune de Genève » à l\’adresse suivante : http://bcomoli.blog.tdg.ch
AYA – Appui aux indiens Yanomami d\’Amazonie
15 Chemin de la Vi-Longe – CH – 1213 Onex / Genève – CCP 17-55066-2