Suisse: près de 250 personnes suivent la table ronde de la FGC et du GSI

«Covid-19: quel impact sur la coopération au développement?»: la table ronde organisée par la FGC, en partenariat avec le Global Studies Institute (GSI) de l’Université de Genève (Unige), a rassemblé près de 250 participant·e·s le 15 octobre 2020: 76 personnes étaient présentes dans l’auditoire B106 où elle avait lieu, tandis que 168 spectateurs et spectatrices l’ont suivie en ligne sur les sites de l’Université et du GSI.

La table ronde a été vue par 244 personnes ©David Wagnières

Modérés par Carmen Delgado Luchner, post-doctorante en Études africaines au GSI, les débats ont porté sur les conséquences de la pandémie du Covid-19 sur la coopération au développement dix mois après le début de la crise qui secoue l’ensemble de la planète. Ses impacts sanitaires, sociaux et économiques ont été passés au crible, comme les lourdes conséquences qui vont se faire sentir sur plusieurs années.

Didier Péclard, directeur du Master en études africaines du GSI. ©David Wagnières

Accueil et introduction

Les populations les plus vulnérables, bénéficiaires des projets de coopération, sont particulièrement touchées. La crise constitue en effet «un très puissant révélateur des inégalités», a rappelé dans son mot d’accueil Didier Péclard, directeur du Master en études africaines du GSI. Il a cité les données «inquiétantes» récemment publiées par la Banque mondiale, selon lesquelles «les conséquences économiques de la crise sanitaires risquent d’entraîner entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté en 2020 et jusqu’à 150 millions d’ici 2021 en fonction de la gravité de la récession» entraînée par la pandémie.

L’extrême pauvreté dont le seuil est fixé à 1,9 dollars par jour devrait toucher 9,5% de la population mondiale en 2020, ce qui constitue un défi «colossal et global».

René Longet, président de la FGC. ©David Wagnières

Le président de la FGC, René Longet, a aussi déploré, «pour la première fois depuis longtemps, de graves reculs sur le front des besoins de base et du développement : la santé, la scolarisation, l’emploi, les revenus, les moyens de vivre». Ces chiffres des Nations Unies l’illustrent: «Au 1er semestre 2020, 370 millions d’enfants ont été privés de repas scolaires, parfois le seul qu’ils ont de la journée; 1,6 milliard de travailleurs et surtout travailleuses du secteur informel ont été durement touché·e·s; 130 millions de personnes supplémentaires sont en risque grave de sous-alimentation.Autant de conséquences directes de cette situation où les Etats ont imposé des mesures sans pouvoir en assumer les conséquences économiques et sociales.» 

René Longet a aussi salué «la grande force de résilience tant des populations, que des acteurs de la coopération. Les ONG qui travaillent avec le Sud ont été capables d’être vraiment flexibles, d’être proches des besoins – qui changent – et d’affronter avec leurs partenaires du Sud l’imprévu. C’est une très belle preuve de l’ingéniosité et de la capacité de la société civile, au Sud comme au Nord, de s’adapter à la situation.»

Catherine Schümperli Younossian, secrétaire générale de la FGC. ©David Wagnières

Table ronde: regards tournés vers le présent et l’avenir 

La secrétaire générale de la FGC, Catherine Schümperli Younossian, a esquissé l’évolution possible pour la coopération au développement dans un monde post-Covid. Pour elle, la crise actuelle, «une crise globale qui touche l’ensemble de l’humanité», révèle en fait une «multitude de crises, sanitaires, économiques, écologiques, migratoires et sociales».

Elle est aussi «un révélateur des dysfonctionnements provoqués par des choix de développement qui n’ont pas suffisamnement pris en compte la dimension humaine et environnemntale des modes de production». Et un «accélérateur de tendances de fond» en montrant que le rythme du développement actuel n’est pas soutenable. Comme révélatrice des inégalités, la pandémie risque de faire le lit du populisme, de remettre en question les démocraties et d’affaiblir le multilatéralisme, craint Catherine Schümperli Younossian.

Pour elle, la coopération au développement est mise sous pression en terme de montants de l’aide publique au développement, de risque d’affaiblissement du multilatéralisme et de complexification du travail des ONG.

Christian Frutiger, vice-directeur à la DDC et chef du domaine de la coopération globale. ©David Wagnières

Vice-directeur à la DDC et chef du domaine de la coopération globale, Christian Frutiger s’est exprimé sur la Stratégie de coopération internationale de la Suisse pour les années 2021-2024, adoptée par les Chambres fédérales en septembre 2020. Une stratégie certes rédigée avant la crise, mais selon lui suffisamment flexible pour que sa mise en oeuvre puisse s’adapter à la situation actuelle.

Dans le contexte de la pandémie, elle a notamment permis de soutenir des acteurs humanitaires et de coopération, le système onusien, via l’OMS par exemple, le système financier international, comme la Banque mondiale et les banques régionales de développement.

Melik Özden, le directeur du CETIM. ©David Wagnières

Melik Özden, le directeur du CETIM, s’est exprimé sur les défis en matière de droits humains. Il a organisé son exposé autour de trois axes. Pour lui, la pandémie révèle que «les sociétés modernes ne sont ni préparée ni outillées pour répondre à une telle situation»; elle montre aussi «le rôle irremplacable de l’Etat dans une telle situation» et met en lumière les failles dûes à l’affaiblissement de ces Etats en raison des programmes d’ajustements structurels qui leurs ont été imposés; enfin, les conséquences de la pandémie sur les populations vulnérables sont dramatiques.

Les droits humains recouvrent aussi bien les droits civils et politiques, que les droits économiques, sociaux, et culturels, comme le droit à l’alimentation, à la santé, à l’éducation, au logement, au travail: Melik Özden a montré les liens entre ces différents droits et comment la pandémie les met à mal par des effets d’entraînement. Il s’est aussi exprimé sur les évolutions possibles du droit au développement et a dressé un tableau sombre de la situation.

Noël Zankone, coordinateur national d’E-Changer au Burkina, est intervenu à distance. ©David Wagnières

Par visio-conférence depuis le Burkina Faso, Noël Zankone, coordinateur national de l’ONG E-Changer, a évoqué les impacts du Covid-19 dans son pays. Le Burkina, a-t-il expliqué, affronte la maladie dans des conditions difficiles, «marquées par la dégradation de la situation sécuritaire», en lien avec le défi terroriste, des massacres de populations civiles et une crise humanitaire qui touche plus de 2 millions de personnes, dont plus d’1 million de déplacés internes. Cette situation a entraîné la fermeture de nombreuses structures sanitaires, privant de nombreuses populations de soins.

Noël Zankone a aussi mis en avant la faible capacité des pouvoirs publics, préoccupés par la prochaine tenue des élections, à gérer efficacement la maladie, avec notamment des citoyen·ne·s faisant peu confiance à l’efficacité des services de soins publics et peinant à respecter les mesures barrières, surtout pour les populations vulnérables vivant de l’économie informalele. Noël Zankone a salué le fait que les ONG aient fait preuve d’une capacité de résilience extrêmement importante pour pouvoir continuer à suivre les bénéficiaires.

Une table ronde à voir ou à revoir

La table ronde s’est poursuivie par un débat nourri avec des questions du public.

Elle peut être réécoutée sur la chaîne YouTube de l’UNIGE et ci-dessous.

Connectez-vous pour laisser un commentaire