Deuxième volet d’une interview triptyque, Nicole Surchat Vial, directrice d’Urbanistes Sans Frontières, revient sur les fondements d’USF. L’aide d’urgence se doit de prendre en compte tout le travail exercé dans le cadre du développement durable.
Vous travaillez aussi bien au niveau de l’urgence que du développement. Quelle vision vous guide dans votre ligne d’action ?
Il nous semble qu’en fait il y a une espère de boucle. On part de la catastrophe parce qu’il y en a de plus en plus et que leurs conséquences s’aggravent. Cela devient donc de plus en plus complexe à gérer. Plutôt que de faire un pas en avant lors de ces reconstructions, on en fait trois en arrière par rapport aux objectifs de développement que l’on s’était fixé précédemment parce que on doit répondre à une urgence. Dans ces conditions, les objectifs, les intentions de base, les politiques mises en place par rapport au territoire sont oubliées car il faut trouver des solutions rapides.
Il me semble qu’il y a un double message à porter qui se cristallise autour d’une réponse opérationnelle immédiate avec un certains nombres de précautions à prendre, y compris dans les installations provisoires. Par exemple, en aménageant un camp de militaire pour des civils, on oublie parfois que ces civils vont probablement y rester toute la journée au contraire d’un militaire qui part le matin et y revient le soir. Il y a donc nécessité d’espace publics, semi-privé, d’échange, des équipements communautaires. A ce niveau, il réside un manque du fait que les urbanistes ne participent pas à ce genre d’opérations. Il nous faut donc penser à prendre des précautions sur le provisoire et aussi de rappeler les objectifs du développement tout en les replaçant dans un système de prévention par rapport à ce genre de catastrophe.
Tout le débat qui existe aujourd’hui par rapport à la Nouvelle Orléans où la reconstruction de certains quartiers n’a pas encore commencé. Le Maire avait annoncé qu’il voulait prendre quatre mois de réflexions pour faire une étude d’ensemble. Outre le problème technique des digues, il y a aussi le problème de l’extension « tâche d’huile » de la ville qui pose toute la question du développement urbain incontrôlé. Va-t-on construire ou reconstruire ces erreurs ou va-t-on profiter de ces catastrophes pour inscrire ces constructions dans des objectifs de développement durable qui prennent en compte toutes les questions des ressources naturelles, de l’environnement et de la densité de la population. C’est au moment des premières reconstructions qu’il faut se pencher sur ces questions essentielles.
Il existe un lien entre l’aide d’urgence et le développement durable. C’est relativement nouveau comme vision et comme ligne directrice. Il n’est pas évident de vouloir concilier les deux car ces deux domaines sont souvent cloisonnés. Par exemple, en terme de financement, certains budgets sont destinés à l’urgence et d’autres au développement à l’instar en Suisse de la DDC qui s’occupe prioritairement des questions de la coopération et du Corps suisse d’aide en cas de catastrophes qui traite prioritairement de l’urgence. Il reste à concilier les deux et notre action et celle de l’urbanisme dans ce champ de l’urgence, pourrait y contribuer
La catastrophe pourrait être l’occasion de faire d’évoluer l’aménagement du territoire vers le développement durable. L’agencement avec la nature, les densités de population et d’habitat, les ressources à utiliser doivent être revus.
La gouvernance et la participation se situent donc au cœur de notre approche. Travailler avec les locaux- c’est très important, mais encore faut-il savoir comment. Il ne s’agit pas de faire de la participation-alibi qui fait plus de dégâts qu’autre chose.
La rigueur et la traçabilité des décisions, des différentes étapes, savoir si on fait de l’information, de la concertation ou de la co-production, qui sont les organes de décisions, quelle légitimité possède chaque acteur sont autant de points essentiels pour se situer au niveau participatif. Donc les quelques semaines, voire quelques mois que l’on prend avant une reconstruction ne sont pas une perte de temps mais un gain sur un développement plus intégré.
La concertation avec les locaux est bien évidemment au cœur de toute démarche de coopération, sinon c’est l’impérialisme occidental qui refait surface. Par contre, il s’agit de ne pas créer une participation n’importe comment. Ce n’est pas parce que nous avons discuté avec les trois personnes de l’angle de la rue que nous pouvons nous targuer de faire de la participation. Il faut des méthodes, c’est un métier et cela nécessite un savoir-faire.
Quand fait-on de l’information ? C’est à dire que l’on transmet des données. Ou de la concertation ? Lorsqu’on associe les gens à l’élaboration du projet- ce qui est un autre type de travail. Quand fait-on de la co-production ? Quand on travaille en partenariat avec les politiques, la société civile et le monde économique- y compris peut-être les promoteurs immobiliers -.Et ensuite il s’agir de comprendre qui est habilité à prendre des décisions.
Le but de toute cette démarche est de créer de nouvelles dynamiques de coopération.
Propos recueillis par Olivier Grobet
Fragments de paroles
Surchat Vial : « Il existe un lien entre l’aide d’urgence et le développement durable»
La trousse urbanitaire selon Nicole Surchat Vial
2 réflexions sur « Surchat Vial : « Il existe un lien entre l’aide d’urgence et le développement durable» »