Des centaines de leaders indigènes réunis pour le VIIe campement « Terre Libre » / Terres agricoles : les prix augmentent, l’emprise étrangère et la concentration inquiètent / Vers un « Territoire Ethno–Educationnel » pour les Yanomami et Ye’kuna / Barrage de Belo Monte : l’opposition ne désarme pas.
« AYA Info » peut être consulté sur les sites Internet :
http://www.terrabrasilis.ch > Aya Info
et
Des centaines de leaders indigènes réunis pour le VIIe campement « Terre Libre »
Les représentants de plusieurs dizaines de peuples indigènes de tout le Brésil étaient réunis, du 16 au 19 août à Campo Grande, la capitale de l’État du Mato Grosso do Sul, à l’occasion du VIIe campement « Terre Libre ». La rencontre a été organisée par l’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB et le Forum de défense des Droits Indigènes – FDDI. Au terme de trois jours de débats, les participants ont rendu public un texte intitulé « Pour le droit à vivre bien dans nos terres ». Ils adressent ce message à l’opinion publique brésilienne et internationale, aux candidats à l’élection présidentielle d’octobre prochain, au président de la république et au gouvernement. Dans ce document, les indiens contestent « l’imposition d’un modèle de développement déprédateur destiné à satisfaire les intérêts, le bien-être et le consumérisme d’une minorité… Avec leurs savoirs ancestraux dans la préservation de leurs territoires, nos peuples ont beaucoup à enseigner pour la survie de la planète et de l’humanité. » Le texte énumère ensuite les revendications plus spécifiques des indiens : Terres indigènes, grands travaux inscrits au « Programme d’accélération de la Croissance », la santé et l’éducation indigènes, et enfin, celles relatives à la restructuration de la FUNAI.
Pour en savoir plus (en portugais) : http://blogapib.blogspot.com/2010/08/documento-final-atl-2010.html
Terres agricoles : les prix augmentent, l’emprise étrangère et la concentration inquiètent
Ce mois de juin 2010, plusieurs quotidiens brésiliens ont publié des articles au sujet de l’augmentation du prix des terres agricoles du pays. Au premier bimestre de 2010, le prix des terres agricoles à l’hectare (ha) est en moyenne de 4’599 réais (R$), soit environ 2’670 US$. Cela représente une hausse de 3,9% par rapport à la même période de l’année précédente. Trois ans plus tôt, ce prix était de 3’432 R$/ha, soit une augmentation nominale de 34%, mais qui, déduite de l’inflation (18%), constitue un gain réel d’un peu plus de 5% par an. Ce prix moyen est très variable selon les régions du Brésil. Il est le plus élevé dans le Sud, où il avoisine les 9’500 R$/ha. Il est le plus bas dans la région Nord à un peu plus de 1’400 R$/ha. Il peut également être orienté à la baisse à certaines périodes, par exemple quand les cours du soja se réduisent à la bourse de Chicago. L’agence AgraFNP de São Paulo relève que l’arrivée de capitaux étrangers a entraîné une forte augmentation des prix de la terre dans les nouvelles frontières agricoles des États du Maranhão, Tocantins Piauí et Bahia. Au cours de ces trois dernières années, dans certaines zones des deux États amazoniens de l’Amapá et du Mato Grosso, le prix a été multiplié par six.
L’emprise étrangère inquiète. Au début du mois de juin, dans une série d’articles, Lúcio Vaz, un journaliste du « Correio Braziliense » en a décrit les principales caractéristiques : Dans 3’694 municipalités, ce sont au moins 43’000 km2 de terres agricoles qui sont en mains étrangères. Selon lui, ces données ne sont pas complètes puisque les indications contenues dans les registres du cadastre sont fournies par les propriétaires, sans autre contrôle. Selon les techniciens de l’Institut National de Colonisation et de la Réforme Agraire – INCRA, ce chiffre pourrait être cinq fois supérieur. Le 19 août dernier, l’Avocat Général de l’Union a transmis un rapport, signé par le Président Lula et publié au Journal Officiel de l’Union le 23 août, visant à contenir l’acquisition de terres par des étrangers. Il s’agit essentiellement de la déclaration obligatoire de la nationalité de l’acquéreur, d’un double plafonnement, en surface et en part du territoire de chaque commune, et de la limitation de l’usage des terres à des projets agricoles approuvés par le Ministère du Développement Agraire. Le Mouvement des Travailleurs Sans Terre – MST a jugé ces mesures insuffisantes. Le Ministre du Développement agraire a récemment déclaré au quotidien « Valor Econômico » que le gouvernement allait formuler une « Proposition d’amendement constitutionnel – PEC » pour restreindre davantage l’achat de terres par des étrangers.
Par ailleurs, les inégalités dans la distribution de la terre est historiquement très grande au Brésil. Les résultats du recensement agricole de 2006 en témoignent. L’indice de Gini, qui en illustre la réalité, a augmenté de quinze points en vingt ans. Il est passé de 0,857 en 1985, à 0,872 en 2006. Cette année-là, les exploitations agricoles de moins de 10 ha détenaient 2,36 % de la surface totale des terres agricoles, et celles de plus de 1’000 ha 44,4 %. Les 6 et 7 septembre, le « Forum pour la réforme agraire et la justice dans la campagne – FNRA », a organisé un plébiscite pour demander la limitation de la taille des exploitations; cela dans une fourchette qui va de 175 ha à 3’500 ha selon les régions du pays. Les résultats de cette consultation populaire devraient être connus dans la deuxième moitié du mois d’octobre.
Pour en savoir plus (en portugais), sur l’augmentation des prix :
http://economia.terra.com.br/noticias/noticia.aspx?idNoticia=201004131408_RTR_1271167684nN13240446&idtel=DI000DOLPTAX et http://economia.estadao.com.br/noticias/economia,terras-se-valorizam-ate-687-em-3-anos,21474,0.htm
• Sur l’emprise étrangère : http://www.correiobraziliense.com.br/app/noticia182/2010/06/09/brasil,i=196796/MAIS+DE+4+MILHOES+DE+HECTARES+ESTAO+SOB+COMANDO+DE+ESTRANGEIROS.shtml, http://www.mst.org.br/node/10146 > Desnacionalização das terras, > Agronegócio et
http://www.agu.gov.br/sistemas/site/templateimagemTextoThumb.aspx?idConteudo=148958&id_site=3 > Parecer AGU (2.32 MB)
• Sur le recensement agricole de 2006 :
http://www.ibge.gov.br/home/ > Economia > Censo Agropecuário > Resultados > Brasil, Grandes… > Comentários (pp. 107 et 109)
• Sur le plébiscite du FNRA : http://www.limitedaterra.org.br/index.php
Vers un « Territoire Ethno–Educationnel » pour les Yanomami et Ye’kuna
Les 30 et 31 août à Boa Vista, la capitale de l’État de Roraima, une soixantaine de leaders Yanomami et Ye’kuna, de quarante régions de la Terre Indigène Yanomami, étaient réunis avec les représentants du Ministère de l’Éducation – MEC, de la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI, et de plusieurs ONG. La rencontre avait pour objet la création d’un « Territoire Ethno-éducationnel Yanomami et Ye’kuna ». Le représentant du MEC, Gersem Baniwa, a relevé la nécessité de définir une stratégie pour élaborer, avant la fin de l’année, un diagnostic de l’éducation scolaire indigène. Les dirigeants indigènes ont évoqué plusieurs obstacles qui empêchent le bon fonctionnement de l’éducation scolaire dans l’aire Yanomami, par exemple l’accès difficile de certaines zones, qui ne peuvent être atteintes que par avion. Une Commission a été constituée pour élaborer le diagnostic avant le début novembre. Les « Territoires ethno-éducationnels » ont été créés par un décret présidentiel du 27 mai 2009. Selon ce décret, « L’éducation scolaire indigène sera organisée avec la participation des peuples indigènes, selon leur territoire, en respectant leurs besoins et spécificités ». Le Service et Coopération avec le peuple Yanomami – SECOYA a participé à cette réunion.
Voir AYA Info Nos 34, 44 et 50.
Pour en savoir plus (en portugais) : http://www.secoya.org.br/index.php?option=com_content&view=article&id=90:criacao-do-territorio-etnoeducacional-yanomami-e-yekuana&catid=4:noticias&Itemid=29 et le décret présidentiel : http://www.planalto.gov.br/ccivil_03/_Ato2007-2010/2009/Decreto/D6861.htm
Barrage de Belo Monte : l’opposition ne désarme pas
L’opposition à la construction du barrage Belo Monte sur le rio Xingu a pris des formes diverses au cours des dernières semaines. Le 10 août, un campement régional « Terre Libre » a rassemblé de nombreux leaders indigènes à Altamira, dans l’État du Pará. Toujours dans le même État, à Itaituba, les 25, 26 et 27 août a eu lieu la première rencontre des peuples et communautés atteintes et menacées par les grands projets d’infrastructures dans les bassins des rios amazoniens Madeira, Tapajós, Teles Pires et Xingu. Une manifestation symbolique a eu lieu, le 26 août à Brasilia, le jour de la signature du décret présidentiel accordant la concession d’exploitation de l’usine hydroélectrique à l’entreprise Norte Energia SA. Le 15 septembre, le mouvement « Xingu Vivant pour toujours » a mis en ligne deux vidéos montrant l’impact social et environnemental du barrage. Dans le même temps, il a appelé à signer une pétition demandant au gouvernement de renoncer à cet ouvrage. Une version légèrement réduite en anglais a également été diffusée. Cette version contient aussi un appel à signer la pétition.
Par ailleurs, le 20 septembre, à Genève, à propos de la construction de ce barrage, James Anaya, le rapporteur spécial des Nations Unies sur la situation des droits humains et libertés fondamentales des peuples indigènes, a rappelé au gouvernement brésilien ses obligations qui découlent de l’art. 32 de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples indigènes en matière de consultation préalable et objective des peuples affectés par l’ouvrage.
Voir AYA Info Nos 44, 46, 47, 49 et 50
Pour en savoir plus (en portugais et en anglais) :
http://www.amazonia.org.br/noticias/noticia.cfm?id=366730; la version en anglais avec accès à la pétition : http://www.youtube.com/watch?v=K-seAAIsJLQ
• Le rapport de James Anaya :
http://www2.ohchr.org/english/bodies/hrcouncil/15session/reports.htm > A/HRC/15/37/Add.1 p. 31 et suiv./
• Le blog du mouvement « Xingu Vivo para Sempre » : http://xingu-vivo.blogspot.com/
Bernard Comoli (avec l’aide de Silvio Cavuscens et Aurélien Stoll)
AYA – Appui aux indiens Yanomami d’Amazonie
15 Chemin de la Vie-Longe – CH – 1213 Onex /Genève – CCP 17-5506-2