Quelques brèves concernant l’Amazonie et les Indigènes du BrésilAYA Info – No 58 – Genève, le 23 février 2011

Un livre intéressant : Les Yanomami du Brésil / Transition Lula – Dilma : Perspectives pour les peuples indigènes / La SECOYA et le Peuple Yanomami ensemble depuis 20 ans / Belo Monte, toujours l’opposition des indigènes et de nombreux mouvements sociaux.

« AYA Info » peut être consulté sur les sites Internet :

http://www.humanitaire.ws > Rubriques > AYA et
http://www.okamag.fr/ > Nouvelles de nos frères d’ailleurs
Un livre : Les Yanomami du Brésil
Les éditions Belin (Paris) ont publié en juillet 2010 un ouvrage intitulé « Les Yanomami du Brésil – Géographie d’un territoire amérindien« . L’auteur, François – Michel Le Tourneau, est géographe, chargé de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique – CNRS (France). Il est aussi membre du Centre de Recherche et de Documentation sur l’Amérique Latine – CREDAL /Paris. Il a été chercheur invité du « Centre de Développement Soutenable » – CDS, de l’Université de Brasilia. Il a terminé la rédaction de son ouvrage en 2009. La première partie, « La découverte d’un peuple« , concerne les premiers contacts des « napë » (les non – Yanomami), l’installation des missions religieuses, des orpailleurs et les projets des militaires. La deuxième partie, « Quel territoire pour les Yanomami ?« , est consacrée aux projets de définition du territoire Yanomami et les diverses attaques dont il est l’objet. La troisième partie, « Nouveaux défis », évoque le rôle structurant de l’assistance sanitaire et de l’organisation des Yanomami eux-mêmes. La dernière partie, « Anatomie du territoire Yanomami » , traite de son organisation intérieure, de ses ressorts, de son pourtour et de l’impact de l’étranger. Le livre de F-M Le Tourneau contient une bibliographie, trente-sept cartes, quinze photos, trois graphiques et vingt-trois tableaux. Il complète celui publié en septembre 2010 par Davi Kopenawa et Bruce Albert*, « La chute du ciel ». Il est très utile pour mieux connaître le peuple Yanomami.
Références : « Les Yanomami du Brésil – Géographie d’un territoire amérindien » de François – Michel Le Tourneau. Collection « Mappemonde », Editions Belin (Paris) / ISSN 1275-2975 / ISBN 978-2-7011-5316-2 / 480 pages / 32 Euros.
* Voir « AYA Info » No 54
Transition Lula – Dilma : Perspectives pour les peuples indigènes
Le 18 janvier, invitées par AYA, une quarantaine de personnes étaient réunies à la salle « Chico Mendes » de la Maison des associations de Genève, pour échanger avec l’indigéniste et sociologue Silvio Cavuscens, sur la situation des peuples indigènes brésiliens au moment du changement de présidence de la république. Il y avait-là des membres des organisations de coopération qui ont, ou ont eu, Silvio comme partenaire : E-Changer, Terre des Hommes Genève/Suisse, Mouvement pour la Coopération Internationale, mais aussi les membres du collectif qui avait organisé la campagne « Démarcation des Terres indigènes » entre 2003 et 2006. Et, bien sûr, plusieurs de ses amis de jeunesse. « Côtoyer les peuples indigènes et ne pas respecter leurs cultures, cela revient à toucher sans sentir, regarder sans voir et écouter sans entendre ! » Tel est le titre que Silvio a donné à sa présentation. Il a rappelé comment la diversité est l’une des caractéristiques des peuples indigènes du Brésil : plus de 700’00 indiens appartenant à 235 peuples, utilisant 172 langues différentes. Au niveau institutionnel, il a souligné l’importance de la Constitution de 1988 qui a rompu avec la vision intégrationniste au profit de la reconnaissance de la spécificité des peuples indigènes et de l’importance de leurs organisations. Il a d’abord rappelé les priorités du gouvernement Lula, notamment : l’amélioration des conditions économiques de la nation, réduire le taux de pauvreté, valoriser le Brésil au niveau international et les alliances internes nécessaires à la gouvernance du pays. En 2002, la coalition qui a soutenu la candidature de Lula à la présidence de la république a publié un programme de gouvernement concernant les peuples indigènes. Y figurent notamment, la volonté de dialogue, la démarcation des terres indigènes, la restructuration de la Fondation Nationale de l’Indien – FUNAI. Au terme de huit ans de gouvernement Lula, le bilan est mitigé : désarticulation de la politique indigéniste entre divers ministères, manque de dialogue, méconnaissance de la réalité indigène entraînant l’application de mesures inadaptées. Le Programme d’Accélération de la Croissance – PAC, mis en oeuvre par le gouvernement, a des impacts négatifs sur l’Amazonie et les peuples indigènes de la région en raison de nombreux ouvrages inscrits au programme : routes, usines hydroélectriques (Belo Monte, Jirau), gazoducs, etc. Par ailleurs, la violence à l’égard des peuples indigènes reste bien réelle. Silvio a évoqué ce que les peuples indigènes attendent du nouveau gouvernement, par exemple, l’adoption du Statut des peuples indigènes, la consolidation du Secrétariat spécial de santé indigène – SESAI, l’arrêt des travaux d’infrastructures qui ont un impact direct ou indirect sur les Terres indigènes, la création d’un Conseil national de politique indigéniste… Dans une deuxième partie de son exposé, Silvio a décrit le travail de l’association « Service et Coopération avec la Peuple Yanomami » – SECOYA dont il est coordinateur.
La SECOYA et le Peuple Yanomami ensemble depuis 20 ans
Silvio a consacré la deuxième partie de son exposé à l’action de l’association « Service et Coopération avec le peuple Yanomami » – Secoya, qui touche quatre domaines : la citoyenneté, l’éducation différenciée, le développement soutenable et la santé. Secoya a commencé son action en 1991, mais l’association a été formellement fondée en 1997. Elle a son siège à Manaus. Elle travaille essentiellement avec les communautés Yanomami de l’État d’Amazonas. Coopérer avec ce peuple suppose une bonne connaissance de sa culture et de son cadre de vie. La langue, le yanomami est une petite famille linguistique avec quatre dialectes. Le cadre de vie, c’est surtout « uhiri », la terre-forêt, entité vivante qui abrite les « xapono », les maisons collectives avec leurs coutumes, comme le « wayamu », le discours matinal échangé entre les habitants… Les Yanomami – le nom veut dire « être humain » – ont eu à connaître les « napë » : les étrangers, ennemis ou « blancs », dont ils ont à souffrir quand ils sont « fazendeiros » (exploitants agricoles), « madereiros » (exploitants forestiers), ou « garimpeiros » (orpailleurs), envahisseurs de leur territoire. Le chamanisme et la cosmologie qui lui est liée, est un élément central de la culture yanomami. Les chamans utilisent la « yãkõana », une poudre hallucinogène pour entrer en contact avec les « xapori », les esprits, afin de protéger les xapono des pouvoirs maléfices venant des humains ou des non – humains. Les chamans – les « pajés » – sont aussi les guérisseurs susceptibles de diagnostiquer de nombreux types de maladies, sans être en mesure de traiter toutes les pathologies. Dans le domaine de la santé, il y a des divergences entre Yanomami et « napë » sur le sens même de la maladie et des traitements. L’ignorance de ces divergences peut conduire à des situations conflictuelles. Pour réaliser l’interface entre les deux médecines, la Secoya veut des Agents Indigènes de Santé – AIS, compétents. Ils sont des auxiliaires précieux pour réduire l’impact de certaines maladies, notamment la tuberculose, l’hépatite et le paludisme. Dans son programme santé, la SECOYA organise des cours pour permettre aux leaders Yanomami d’être en mesure d’exercer un contrôle et participer aux décisions prises au Conseil du District Spécial de Santé Indigène Yanomami. Silvio a encore fait état des revendications du mouvement indigène dans le domaine de la santé. De son point de vue, « … le service de santé indigène paraît satisfaire et servir davantage notre conscience que les Yanomami ! » Une conclusion qui interpelle !
Belo Monte, toujours l’opposition des indigènes
Le 26 janvier, l’Institut Brésilien du Milieu Ambiant – IBAMA, a délivré une première « autorisation partielle » pour l’installation du chantier nécessaire à la construction du complexe hydroélectrique de Belo Monte sur le rio Xingu. Et une deuxième pour la suppression de la végétation. Le lendemain, le Ministère public fédéral, MPF, a introduit un recours contre « l’autorisation partielle » qui, selon lui, n’est pas prévue dans la législation brésilienne. La procédure est en cours. Les 7 et 8 février, à Brasilia, un collectif de mouvements sociaux et d’organisations indigènes étaient réunis pour un séminaire et une manifestation publique au sujet de l’ouvrage. Une délégation a été reçue à la présidence de la république. Elle a remis un document, approuvé par près de 80 associations et entités qui demande, entre autres, d’annuler définitivement le complexe Belo Monte. La délégation a fait état des 604’000 signatures récoltées sur Internet, au Brésil et à l’étranger, qui soutiennent cette position. Le 28 janvier, la Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie Brésilienne – COIAB, a adressé une lettre à Dilma Roussef, la présidente de la république, dans laquelle elle réaffirme son opposition à la « construction du désastreux complexe hydroélectrique de Belo Monte ». La Coordination questionne : « Pourquoi le gouvernement brésilien ne veut-il pas écouter notre voix ? » Parlant des injustices historiques, des exploitations, dévastations et autres misères qu’ont eu à subir les peuples indigènes, la COIAB affirme : « Nous ne voulons pas de ce progrès ». Et encore de questionner : « Quel est ce progrès qui détruit ce qui devrait être préservé ? » À suivre.
Voir « AYA Info » No 53.
Pour en savoir plus (en portugais) :
– Les autorisations de l’IBAMA : http://www.amazonia.org.br/noticias/noticia.cfm?id=376427 /
– Le séminaire de Brasilia et le document remis à la présidence de la république : http://www.socioambiental.org/nsa/detalhe?id=3251 /
Bernard Comoli (avec l’aide de Silvio Cavuscens)
AYA – Appui aux indiens Yanomami d’Amazonie
15, Chemin de la Vie-Longe – CH – 1213 Onex /Genève – CCP 17-5506-2

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