La sécheresse en Amazonie
Dès la mi-septembre dernier, les autorités, les services techniques et la presse brésilienne ont fait état de la chaleur et surtout de la sécheresse exceptionnelle qui a atteint l’Amazonie. L’état d’urgence a été décrété dans de nombreuses municipalités. Le manque d’eau a eu de multiples conséquences. Beaucoup de localités sont ont été rendues inaccessibles en raison de la baisse du niveau des cours d’eau. Il a été constaté une augmentation sensible des maladies en raison de la consommation d’eau polluée. De nombreux poissons – y compris des dauphins – sont morts en raison de la température élevée de l’eau des lacs et des cours d’eau. Suite à de nombreux incendies de forêts, l’air a été rendu irrespirable dans plusieurs régions, notamment à Manaus.
Non loin de Manaus, la baisse des eaux du Rio Negro a fait réapparaître un site archéologique attirant de nombreux curieux. Certains d’entre eux, selon la Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie Brésilienne (COIAB), n’hésitant pas à rentrer chez eux avec des morceaux de céramique. La Coordination a demandé que l’Institut du Patrimoine Historique et Artistique National – IPHAN prenne des mesures de protection du site.
On assiste maintenant au retour progressif à la normale. Mais la fin décembre marque le début de l’été dans l’hémisphère Sud…
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COP 28 : la participation des indigènes du Brésil
La 28e Conférence de l’ONU sur les changements climatiques a eu lieu du 30 novembre au 12 décembre à Dubai, aux Émirats Arabes Unis. Les médias ont largement fait écho au déroulement et aux résultats des travaux. Les lignes qui suivent veulent surtout rappeler quelques points relatifs à la participation des indigènes brésiliens.
La Coordination des Organisations Indigènes de l’Amazonie Brésilienne – COIAB était présente à la COP28. Elle a fait connaître, par la publication d’un bulletin (en portugais et en anglais), la situation climatique en Amazonie. Il a aussi été question de la préparation de la COP30 qui devrait se tenir en 2025 au Brésil, à Belém, la capitale de l’État du Pará. L’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB, déjà présente aux précédentes éditions (COP26, COP 27) a programmé une vingtaine de rencontres portant sur les problèmes en lien avec la crise climatique : relations avec les autorités politiques brésiliennes, place de la femme, réduction des inégalités, protection des territoires…
Organe gouvernemental brésilien, la Fondation Nationale des Peuples Indigènes – FUNAI présidée par une indigène, Joênia Wapichana, était également à Dubai. La Fondation a tenu à souligner comment les Terres Indigènes font partie de la solution pour la préservation du climat. En collaboration avec le Ministère des Peuples Indigènes – MPI, la Fondation a organisé un débat pour souligner l’importance des Peuples Indigènes pour la préservation de la biodiversité.
De son côté, le MPI, dirigé par Sonia Guajajara, a programmé une série de rencontres dont le thème principal concerne le rôle des indigènes pour lutter contre le réchauffement climatique. Le 3 décembre, Sonia a même dirigé la délégation brésilienne. Ce n’est pas la première fois que Sonia participe à une telle conférence sur le climat. En 2010, elle était à Cancún (Mexique) pour la COP16. Elle était alors vice-coordinatrice de la COIAB. Elle avait tenté de remettre une « Tronçonneuse d’or » à Kátia Abreu, une « ruraliste » favorable à une moindre protection des forêts brésiliennes…
Comme lors des précédentes COP, les peuples indigènes du Brésil n’ont pas négligé de faire entendre leur volonté de contribuer à la résolution des problèmes climatiques !
La Guyane en deuil : Alexis Tiouka est décédé
Né en 1959 à Awala (un village de l’ethnie Kali’na de Guyane), Alexis Tiouka, ardent défenseur de la cause autochtone est décédé le 4 décembre dernier à Montpellier (France).
Le Centre de documentation, de recherche et d’information des peuples autochtones – Docip de Genève a conservé plusieurs de ses interventions faites en juillet 1997 et 1998 lors des 15e et 16e Sessions du Groupe de Travail sur les Populations Autochtones. Elles ont porté sur la possibilité de créer une instance permanente consacrée aux autochtones au sein des Nations Unies (elle a vu le jour en juillet 2000); sur le système éducatif en Guyane et la reconnaissance par la France des Peuples Autochtones de Guyane. En 2017 et 2018, Alexis Tiouka a également signé plusieurs ouvrages* relatifs aux droits des peuples autochtones.
Le décès d’Alexis a suscité l’émotion en Guyane. En témoignent les condoléances de Gabriel Serville, président de la Collectivité Territoriale de Guyane – CTG : « Sa disparition représente une grande perte pour notre territoire ! » ; de la Jeunesse Autochtone de Guyane : « Merci pour tout Tusi, et fait bon voyage. Nous ne t’oublierons pas. » et de l’Organisation des Nations Autochtones de Guyane – ONAG : « Une grande perte pour le monde autochtone ! »
Par la voix de membres de l’ONAG, les autochtones de Guyane continuent de faire connaître leurs préoccupations dans les instances onusiennes. En particulier lors de la réunion du Mécanisme d’Experts sur les Droits des Peuples Autochtones – MEDPA (créé en 2007) qui se réunit régulièrement à Genève. Trois membres de l’ONAG étaient au Palais de Nations en juillet dernier où ils se sont exprimés lors de la réunion de cet organisme. Une manière de maintenir ouverte la voie inaugurée par Alexis Tiouka !
*Voir sur le site de la FNAC
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Le « Repère temporel », un conflit toujours ouvert
Selon la thèse du « repère temporel » seules peuvent être protégées (démarquées) les aires occupées par les indigènes le 5 octobre 1988 (repère temporel), date de l’adoption de l’actuelle Constitution*. Il s’agit d’un argument apparu en 2009 à propos de la justification de la démarcation de la Terre Indigène Raposa Serra do Sol dans l’État de Roraima. Revenu dans l’actualité, suite à une demande du Peuple Xokleng de l’État de Santa Catarina, le Tribunal Supérieur Fédéral (STF) – le 21 septembre dernier, par 9 voix contre 2 – a rejeté thèse du repère temporel. Mais, quelques jours plus tard, le 27 septembre, après la Chambre des Députés, le Sénat a adopté un projet de loi favorable à la thèse du repère temporel. Le 20 octobre, le président Lula a promulgué la loi assortie de nombreux vetos, mais le dernier mot appartient au pouvoir législatif. Au Congrès le 14 décembre dernier, des 47 vetos analysés par les parlementaires, 41 ont été rejetés par 321 voix contre 137 et une abstention à la Chambre des Députés, et par 53 votes contre 19 au Sénat.
L’Articulation des Peuples Indigènes du Brésil – APIB a publié une note dans laquelle elle exprime son intention de recourir au STF pour faire annuler la loi pour inconstitutionnalité. La demande a effectivement été déposée le 29 décembre. La veille, le 28 décembre, trois partis politiques – le Parti Liberal (PL), le Parti Progressiste (PP) et le parti des Républicains ont demandé au STF de valider le Repère temporel. Le président du Sénat, Rodrigo Pacheco, défendant les prérogatives du pouvoir législatif, a signé et publié au Journal Officiel de l’Union du 28 décembre, la loi No 14.701 qui reprend la thèse du repère temporel. La controverse se poursuit.
Le Tribunal a suspendu son activité jusqu’au 31 janvier. Á suivre…
*Voir AYA Info No 145 du 29/09/2023, AYA Info No 144 du 02/07/2023, AYA Info No 138 du 31/08/2021, AYA Info No 118 du 31/08/2017
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PS : l’activation des liens hypertextes (en brun) renvoie à une partie des sources utilisées pour la rédaction de ce bulletin. Celles-ci sont souvent en portugais. Bernard Comoli
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A nos lectrices et lecteurs : en ce début d’année, AYA souhaite que chacune et chacun d’entre vous voie se réaliser au moins l’un ou l’autre de vos vœux les plus chers.
AYA – Appui aux Indiens Yanomami d’Amazonie
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