Etat des lieux du Grand Bargain, du Nexus et (R) évolution de la solidarité internationale

A l’international, le « Grand Bargain » progresse. Les 10 axes de travail entre donateurs, agences multilatérales et ONG sont de plus en plus pris en considération. Selon différentes sources, 3 thématiques semblent s’être traduites dans la réalité des faits :

  • L’usage de petites donations en cash auprès des bénéficiaires
  • La révolution participative, en y incluant la société civile locale
  • La déclinaison de planning d’aide humanitaire sur le plus ou moins long terme

Ce dernier point devrait contribuer à une dynamique constructive favorisant le renforcement du lien entre urgence et développement, aussi appelé nexus entre humanitaire et développement. De son côté, la Suisse en a fait un leitmotiv en 2018. Lors du message auprès des ONG partenaires de la Direction suisse pour le Développement et la Coopération (DDC) du Département des Affaires étrangères, le nexus était évoqué comme une « révolution » en cours, même s’il faut bien avouer qu’il reste encore du chemin à faire pour que la section d’aide humanitaire collabore encore plus avec la section du développement.

D’une manière générale, toute expertise dans le domaine tend à démontrer toujours et encore plus la pertinence du lien entre urgence et développement. La réduction de la vulnérabilité des populations face aux crises sécuritaires ou encore face aux catastrophes naturelles doit forcément se faire en amont de l’aléa, en termes de prévention. Hormis les Etats, les acteur-trice-s du développement sont les mieux placés pour le faire. Ce travail se doit d’être fait avec la société civile locale. Prévenir les aléas coûte dix fois moins cher que d’y répondre. La Gestion des Risques est de ce fait devenue l’un des incontournables de nombreuses ONG, tout comme le renforcement de la société civile locale. Les urgentistes restent toutefois des acteur-trice-s clés en cas de catastrophe naturelle ou encore de conflits armés, même s’il faut bien avouer que pour ce dernier, il est plus difficile de planifier une transition vers une situation dite normale puisque cela dépend d’un contexte conflictuel pouvant perdurer.  

L’arrivée au pouvoir d’Ignazio Cassis, actuel conseiller fédéral en charge des affaires étrangères de la Suisse, a toutefois engrangé des nouvelles lignes politiques donnant un fort focus sur une Suisse défendant ces intérêts avant tout autre point de vue. Endiguer la crise migratoire est dès lors devenu la principale motivation des relations extérieures de la Suisse en dehors du fait de valoriser son secteur privé. La solidarité internationale ne serait alors que la cheville ouvrière d’une suisse se récusant à accueillir un flux migratoire grandissant partout dans le monde, un élément crucial pour que chacun ait envie de rester dans son pays. C’est oublier la tradition humanitaire suisse en tant que terre d’accueil et omettre encore que le 90% de la migration reste un phénomène régional ne touchant pas la Suisse. Difficile dans cette conjoncture de croire que la Confédération Suisse va réussir à faire de grand pas vers le Grand Bargain ; encore que réduire la vulnérabilité des populations face aux catastrophes naturelles et aux conflits armés devraient en partie diminuer les flux migratoires.

La solidarité internationale suisse fait toutefois de grands pas dans le sens de l’établissement du nexus à l’image de la Chaîne du Bonheur. « Les organisations partenaires de la Chaîne du Bonheur font partie de ceux qui ont compris la nécessité de faire évoluer les systèmes. Elles soutiennent l’établissement d’un dialogue égalitaire et accompagnent le développement des opérations humanitaires désormais dans les mains des acteurs locaux. (…) Ce modèle inversé, qui voit les organisations internationales venir en appui dans des domaines identifiés par leurs partenaires locaux, représente l’avenir de l’action humanitaire », affirme Tony Burgener, son directeur.

Outre la Suisse, de nombreux autres grands acteurs se font l’écho d’une nouvelle approche à l’instar d’ACTED, partenaire du réseau humanitaire. « Nous pensons qu’un meilleur développement peut réduire le besoin d’intervention d’urgence ; une meilleure intervention d’urgence peut contribuer au développement ; et une meilleure réhabilitation peut faciliter la transition entre les deux phases », inscrit-elle dans ses lignes directrices. (Voir texte intégral http://humanitaire.ws/de-lurgence-au-developpement-les-programmes-dacted/).

Néanmoins le lien entre la société civile locale, les organisations de base, les ONG internationales et les grandes agences n’est pas si évident que cela. Certaines difficultés structurelles s’imposent d’elles-mêmes. Tout d’abord, pour faire de l’urgence, il s’agit d’être très réactif, de bénéficier d’outils et protocoles clairs répondant aux besoins d’urgence en fonction de diagnostics sur le terrain délivrés dans des délais extrêmement courts et de fonds propres suffisants pour entamer une action en dehors de toute approbation préalable de bailleurs de fonds. Cette dynamique exclut systématiquement les petites ONG de toute action financée par de grands bailleurs, même si certains affirmeront que la société civile locale s’organise de toute façon, avec ou sans les fonds internationaux. Hormis la distribution de cash, certains mécanismes pourraient toutefois être pensés dans ce sens.

D’une manière plus générale, il serait aujourd’hui nécessaire de faire le point sur ces accords, de continuer à les inscrire au sein des Objectifs du Développement Durable. Le sommet humanitaire 2016 d’Istanbul fut…il s’agit de lancer un second sommet de l’humanitaire – d’un humanitaire au sens large et solidaire.

Olivier Grobet

Quelques liens utiles :

Inter Agency standing committee de l’OCHA: https://interagencystandingcommittee.org/content/grand-bargain-hosted-iasc

VOICE NGO au sein de l’Europe : https://www.grandbargain4ngos.org

Positionnement d’ACTED : http://humanitaire.ws/de-lurgence-au-developpement-les-programmes-dacted/

Glo.be – Site d’information belge : https://www.glo-be.be/fr/articles/le-grand-bargain-pour-plus-defficience-au-sein-du-systeme-humanitaire

Rapport indépendant – Grand Bargain annual independent report 2018

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